STEWART ET LINDSEY LES DEUX FONT LA PAIRE
Décidément, Dave Stewart semble abonné à la formule du duo. Après Eurythmics, le bouillant touche-à-tout british s’est déniché un nouveau camarade de jeu avec Thomas Lindsey, un jeune vocaliste inconnu originaire de la Louisiane, dont la vois évoque étrangement une certaine…Annie Lennox ! Baptisé tout simplement Stewart Lindsey, ce nouveau duo pratique un blues fulgurant qui ne peut laisser quiconque indifférent. Gonzo interview exclusive avec Dave Stewart et Thomas Lindsey pour évoquer leur excellent premier album intitulé « Spitballin’ »
Dans ce XXIème siècle technologique, certains entretiens semblent décidément parfois bien plus excitants que d’autres. Ce soir de plein été, c’est le cas grâce à la complicité de mon vieux compadre, Dave Stewart. Résumé des épisodes précédents…tout jeune journaliste, au crépuscule des 70’s, j’avais déjà craqué sur la reprise du titre de Dusty Springfield « I Only Want To Be With You » par the Tourists, un groupe inconnu que j’avais déjà classé dans la rubrique des « one hit wonders », entre le « No Milk Today » de Herman Hermits et le « He’s Gonna Step on You Again » de John Kongos. Erreur. Quelques temps plus tard, en 82, dans un club de Londres où un showcase avait été organisé pour les deux formations hexagonales Orchestre Rouge et Kas Product signés alors chez RCA, un cadre british du label me présente deux drôles d’olibrius. Un gars et une fille qui paraissent bien allumés. Un barbu néo-hippie et une fille aux cheveux orange. La fille est absolument ravissante, le gars me tend une cassette en me disant : « tiens voici notre nouvel album, je te laisse mon téléphone, si tu aimes ce que nous faisons, n’hésite pas à nous contacter. » Je rentre à Paris, je place la K7 dans le lecteur et je presse la touche « on »…et là je reste absolument scotché sur mon fauteuil, dès le premier titre « Love Is Strange », un mélange débordant d’imagination de soul passée à la chaux vive et de technologie futuriste. Mais c’est sur la seconde face qu’une composition me fait carrément dresser le poil sur le dos. « Sweet Dreams (Are Made of This », un truc hallucinant, une secousse tellurique d’une amplitude planétaire, ZE super-hyper-mega hit de la mort. Vous l’aurez compris, sur la tranche du boitier de la cassette était inscrit le mot « Eurythmics ». Dès le lendemain je débarquai rue d’Antin au BEST building pour faire le siège du bureau de Christian Lebrun, mon rédacteur en chef avec un seul et unique mot d’ordre : Eurythmics. Comme d’habitude, Christian a su m’accorder sa confiance, me laissant carte blanche, n’hésitant pas à la tacher du ruban de ma machine à écrire, pour d’abord chroniquer l’album, puis rédiger un papier-fleuve sur ce duo qui ne ressemblait à aucun autre.
Annie Lennox, avec ses origines écossaises et sa soul volcanique illimitée, préfigurant glorieusement la vague à venir de cette « blue eyed soul » made in Scotland qui s’apprêtait à conquérir les 80’s. Et Dave Stewart, trublion touche à tout, ex-membre d’une formation folk qui jouait les ménestrels dans un château pour divertir les manants et qui avait eu le privilège d’être le seul blanc parmi le groupe afro-funk Osibisa. Puis il avait été repéré par Rocket records, le label d’Elton John pour un projet avorté avant qu’il ne rencontre la belle Annie pour un amour-coup de foudre qui avait donné d’abord naissance aux Tourists, puis à Eurythmics, avec un premier album « In The Garden » dont le coté expérimental avait alors laissé de glace la critique rock. Lorsque sort mon interview dans BEST, « Sweet Dreams » passe déjà en boucle sur toutes les radios. Au fil des albums et des tournées, des médias auxquels j’ai pu collaborer, nos chemins n’ont jamais cessé de se croiser avec Annie et Dave. Interviews presse, tournages télé en tournée ou sur une péniche, mon cœur a toujours battu pour leur « eurythmie ». Et même lorsqu’ils se sont séparés, j’étais à Venise aux coté d’Annie Lennox sur le tournage de « Why », le premier clip de son premier album solo « Diva ». Plus tard, j’ai suivi Dave avec ses Spiritual Cow-Boys. Enfin, au tournant de l’an 2000, lorsque le duo a réactivé Eurythmics pour le puissant « Peace », j’étais de nouveau au rendez-vous pour tendre mon micro à Dave.
Live from Derrider en Louisiane
Tout cela pour vous raconter que, lorsqu’à la sortie de ce « Spitballin’ » signé Stewart Lindsey, on m’a proposé une interview au téléphone, je n’ai pas pu m’empêcher de faire une contre-proposition : ok, à la condition que cela se passe sur Skype pour que nous puissions nous voir. Marché conclu, Stewart et Lindsey ont donné leur accord. C’est ainsi que ce soir de juillet, installé sur ma terrasse parisienne, face à mon ordi, j’ai retrouvé dans la fenêtre Skype mon vieux complice Dave Stewart chez lui, à Los Angeles. Hélas, du coté de Thomas Lindsey, live from Derrider en Louisiane (à l’est de Houston), pour cause de débit internet ramollo, nous devions hélas nous contenter de sa voix. Durant l’entretien, Dave qui ne quitte jamais sa guitare et Thomas qui ne peut s’empêcher de chanter de sa voix haute à la moindre occasion, m’ont offert en live et pour moi tout seul, le plus époustouflant des concerts de blues. Si je n’étais pas ce vieux crocodile endurci par tant d’années de rock critic, j’en aurais eu carrément la larme à l’œil. Dave, bien entendu, n’a rien perdu de sa redoutable dextérité et son blues est déjà un choc en soi, mais c’est surtout la voix de Thomas Lindsey qui procure cette indescriptible émotion ( voir kronik sur gonzomusic.fr https://gonzomusic.fr/stewart-lindsey-spitballin.html ). Rencontre avec Dave et Thomas si haut perchés sur la toile.
Glassneck
« J’étais très heureux de découvrir cet album que tu as enregistré avec ce jeune homme, Thomas Lindsey, Dave ! Je me souviens que sur le « Revenge tour » Annie était sur scène en soutif rouge, on s’est retrouvés backstages à Nancy pour une interview télé. Ce jour-là, tu m’avais fait une incroyable démonstration de bottleneck, avec ta guitare acoustique et une bouteille de bière. Quand j’ai entendu ce nouvel album j’ai tout de suite songé à cette démonstration blues. Ce sont tes racines. Ta culture. C’est dans ton sang.
Dave Stewart : C’est vrai, je ne vais pas le nier. ( Dave a encore une guitare en main, mais cette fois c’est avec un verre qu’il produit des sons tandis qu’il répond aux questions. Plus fort que le bottleneck Dave a inventé le glassneck !)
Thomas Lindsey:…heu, là je suis au beau milieu du bureau, je crois que si je me mets à chanter, là les autres ne vont pas être ravis. Je vais sortir. A tout de suite
D.S : Hé ça me donne une idée, on va organiser un concert planétaire sur Skype où chacun pourra librement se connecter. Ou sur Facebook avec Thomas en Louisiane, peut-être un batteur à Paris et moi à la guitare à LA.
En attendant parle-moi un peu de Thomas, je sais qu’il t’a contacté par Twitter, t’a envoyé des images et du son et que cela t’a immédiatement convaincu d’enregistrer avec lui. Mais quel aura été l’élément déclencheur avec Thomas ? Sa voix ? Sa personnalité ?
D.S : C’est incontestablement sa voix et aussi ce qu’il chantait qui m’ont d’abord attiré.
T.L : Hey je suis de retour. Désolé je suis au taff et la communication est terrible, le wifi est tout pourri.
D.S : Je veux juste qu’on fasse un test, voir si nous somme correctement synchronisés pour pouvoir en faire un vrai concert. Pas de délai de ton coté, Thomas.
T.L : Non, je ne crois pas. On y va.
(Et il se met à chanter…If I ever leave this town, I won’t be back again …en pur blues. C’est sublime comme un show rien que pour moi en live)
Eurythmics a toujours été mon groupe favori au monde
En ton absence, Dave a dit que c’est d’abord ta voix qui l’a touché.
T.L : Je ne sais jamais trop quoi répondre quand on me dit cela. Moi je trouve que ma voix n’a rien de particulier. Donc je ne me sens pas non plus spécial. (rire) Dave a dû me forcer pour que je parvienne à y croire. C’est dans mon éducation, j’ai été élevé parmi des gens humbles. On m’a appris que les arrogants finissaient toujours par chuter. Alors, en ce qui me concerne, j’ai toujours l’impression d’être incapable de quoi que ce soit.
Pourtant au fil du temps on a du comparer ta voix à plusieurs chanteurs…ou chanteuses telle Billie Holiday, Janis Joplin ou justement…Annie Lennox, non ?
T.L : Non, pas vraiment car là d’où je viens, c’est surtout de la country que les gens écoutent. Car en fait, bien que vivant en Louisiane, je suis très proche de la frontière avec le Texas où les types n’écoutent que de la musique de cow-boys. Ils n’ont pas cette culture jazz et blues. Lorsqu’ils m’écoutent chanter, ils n’ont guère de points de comparaison. C’est lorsque je vais à Los Angeles ou ailleurs que les gens font ce genre de parallèle.
Mais quand j’évoque Annie, Janis ou Billie Holiday, ces chanteuses ont elles influencé ton style ?
T.L : Sans aucun doute. Annie Lennox, assurément, car Eurythmics a toujours été mon groupe favori au monde. Mais je songe également à Aretha Franklin et aussi à Cher comme à Ella Fitzgerald. Coté country, il y avait également Eddy Raven. J’ai écouté tant et tant de disques, qu’au fil des années cela m’a aidé à trouver ma propre voix. Car, lorsque tu es jeune, tu tentes toujours d’imiter les chanteurs que tu apprécies. Tu veux sonner comme eux car tu les aimes. Mais au bout d’un moment tu finis par les « anamorpher » en quelque chose d’autre qui devient alors ton truc à toi.
Connais-tu Asaf Avidan ou Anthony & the Johnsons devenue récemment Anohny ?
T.L : Oui j’ai écouté leurs disques et je me suis dit : c’est fabuleux ce qu’ils font. Mais, je me dis la même chose en écoutant Patty Labelle. Mais moi je ne trouve pas que j’ai une voix exceptionnelle, tout ce que j’aime c’est de pouvoir chanter. Je donne tout ce que je peux et, si je ne vois personne se boucher les oreilles, je me dis alors que ce n’est pas si horrible que ça (rire). Ça se voit sur nos vidéos live avec Dave, je suis toujours en train de surveiller ses réactions, alors s’il ne tire pas le tronche, je me dis que tout va bien, qu’il n’a rien à reprocher à mon chant.
Dave tu étais attiré par sa voix, lui était un fan historique d’Eurythmics, vous étiez fait pour vous rencontrer ?
D.S : C’était aussi une fascinante expérience car Thomas et moi n’avons jamais enregistré ensemble dans la même ville ni forcément dans le même studio. C’était comme une conversation épistolaire, nous échangions sans cesse des messages entre nous. Parfois, Thomas m’envoyait deux minutes d’une chanson où il avait déjà placé ses mots et une mélodie qui sonnait incroyablement à mes oreilles. D’autres fois, il manquait le refrain, la chanson n’était pas achevée jusqu’à ce que je la finisse et que je la lui réexpédie. Il me répondait alors : ok, je vois. Et il la réarrangeait à sa sauce…avant de me la renvoyer. C’était comme une partie de ping-pong musicale entre nous. On a fait la chanson « Dear God » ainsi, n’est-ce pas Thomas ?
T.L : Tu m’en envoyé de la musique et je t’ai dit que pour moi cela sonnait absolument comme du gospel. On mettait une idée et on se l’envoyait comme un « cadavre exquis ». Et tout se mettait merveilleusement bien en place. Mais moi je savais par avance que cela collerait . Je m’étais toujours dit que la seule personne au monde avec laquelle je pourrais éventuellement travailler était Dave Stewart. Car il connait le truc. Il comprend le blues. Avec toutes les musiques éclectiques qu’il a composées et interprétées, il possède une vision globale Donc je savais que, si d’aventure, je devais être capable de composer, ce serait avec lui. Car avant lui je n’avais jamais rencontré de musicien avec lequel je me sente aussi complémentaire.
D.S : Il y a cette chanson intitulée « Friend Zone où j’avais composé ce truc très Stones bluesy. Et je me suis dit : voyons ce qu’il va en faire. Ce qui est intéressant c’est qu’il a choisi de chanter la mélodie en inversant certaines parties, ce qui rend le truc complétement habité, voire hanté. Je me suis dit lorsqu’il l’a renvoyée : ah, c’est ça le refrain maintenant ! Ce qui prouve que si tu sais rester libre, sans jamais te soucier de quoi que ce soit et que tu bosses avec quelqu’un sans aucune sorte de pression de label manager ou de maison de disques, cela fonctionne. Remarque, je n’ai pas à me plaindre, car même durant les années Eurythmics aucun type d’un label ne s’est jamais permis de se mêler de nos enregistrements.
Oui et je peux même en témoigner lorsque tu enregistrais à Paris et que tu samplais ta main frappant un canapé pour inventer un nouveau son de percussion ou lorsque tu enregistrais à Londres le livreur de la pizza du coin en train de maugréer, pour le réinjecter à divers moments de « Love Is A Stranger » sur « Sweet Dreams ». Le problème de Dave c’est son imagination ; tu n’es pas d’accord Thomas ?
T.L : Oui c’est vrai. Et quelle que soit l’industrie dont on parle, lorsque la créativité joue un rôle central, les grosses corporations ne savent pas correctement gérer. Lorsque tu trouves quelque chose qui fonctionne, un genre de formule, et que tu cherches à en dévier, ils refusent de le comprendre. Ils te disent : « ah mais non, on peut encore faire de l’argent de telle manière, alors pourquoi en changer ? ». Pour que quelque chose se passe, pour créer quelque chose de frais, quelque chose de neuf, cela ne peut exister qu’en toute liberté. Sans limites imposées, car si on t’en impose, il manque alors ce supplément d’âme qui fait toute la différence.
Super Heavy
D.S: Exactement comme lorsque tu citais Janis Joplin ou Jimi Hendrix, tu imagines pouvoir leur dire : « hé écoute Jimi j’ai une idée, tu devrais peut être plutôt faire telle chanson sur tel octave. Ou dire la même chose à Janis Joplin. Ils ont réussi à créer une œuvre d’amour globale qui puisse être partagée avec les gens. Moi, je veux croire qu’on ne sait pas vraiment ce que nous faisons et que si nous nous vidons l’esprit, cela germe en nous. Quelle que soit notre interprétation de Dieu, je veux croire que les artistes ont une ligne directe avec lui. Et moins l’artiste en fait, mieux c’est. Tu as juste les outils, tu joues un peu de slide guitare, tu laisses les mots te venir à l’esprit ou encore le riff sortir de ton imagination. Ce n’est pas comme s’il suffisait de te mettre devant un micro en te disant : je vais chanter cette chanson particulière…(rires)
T.L : Tu imagines ? Ce serait si facile si les choses pouvaient ainsi se passer. Cependant, cela n’est pas si compliqué. Ce n’est pas un processus difficile, si tu te poses et que quelqu’un joue, si cela te touche, quelque chose finira bien par se passer. Si cela ne se produit pas, c’est que tu n’étais pas fait pour composer cette chanson, voilà tout.
C’est une question d’honnêteté ?
D.S: Tu dois avant tout rester honnête avec toi-même. Si tu l’es, alors tu vois bien quand une chanson se retrouve chargée émotionnellement. C’est justement ce qui se passait lorsque j’envoyais une musique à Thomas. Ou lorsqu’il m’envoyait des choses qu’il chantait. S’il trouvait que cela ne sonnait pas correctement, il ne l’envoyait tout simplement pas. Et c’était pareil pour moi. Bien sûr, j’expérimentais différentes choses et je sélectionnais celle où l’émotion transpirait le plus. Alors ne crois pas un instant qu’il suffit de se poser devant un joli piano blanc pour composer « I Saved The world » ou un truc comme ça !
Tu l’as déjà composé Dave… 😉
D.S: Oui « I Saved The World Today »
Il semble qu’on ait à nouveau perdu Thomas. Pendant son absence, je vais en profiter pour te poser une ou deux questions qui te concernent plus. Tu as déjà connu les plus grands tubes mais aussi les plus grands flops au cours de ta longue carrière, je songe notamment à Super Heavy, ce « super groupe » que tu avais monté avec Jagger, Joss Stone et Damian Marley ; il y avait tout pour que cela fonctionne et en même temps c’était également trop d’egos conjugués dans un même ensemble. Et cela n’a pas du tout marché.
D.S : Avec Super Heavy, je voulais expérimenter une musique qui soit un véritable mélange culturel. Une manière sans doute pour moi de faire un break. Et c’est ce que nous avons fait. Aussi, même si nous aimons tous cet album, nous n’en avons fait aucune promo. Nous n’avons pas organisé de tournée, tout ça…et l’une des raisons est que les Stones célébraient également leur 50éme anniversaire en tant que groupe. Pourtant, Mick à un moment a dit qu’il voulait bien faire certaines choses mais c’était trop tard car Damian était déjà booké sur des festivals. Cela faisait cinq artistes avec cinq personnalités donc cinq problématiques.
Honnêtement, Dave, on se connait depuis trop longtemps pour se raconter des cracks ! Mick Jagger n’a jamais connu de succés en dehors des Stones (à l’exception de son duo reprise « Dancing In The Streets » avec Bowie, mais qui était déjà un hit de Martha and the Vandellas). Tous ses albums solos ont systématiquement été des flops ! C’est un mec génial, mais il est victime de « la malédiction des Stones » qui fait qu’il ne parvient jamais à réussir quoi que ce soit en dehors des Stones ?
D.S : Moi j’ai peut-être une explication car je le connais super bien. En fin de compte, lorsque Mick fait un album, il essaye toujours spécifiquement de ne pas sonner comme les Stones. Et, du coup, il se retrouve le cul entre deux chaises car s’ il ne sonne pas comme les Stones, les gens font : « ah…mais il ne sonne pas comme les Stones ». donc il essaye de ne pas sonner comme les Stones, mais chassez le naturel il revient au galop et il finit par sonner comme les Stones. C’est comme un piège en quelque sorte. C’est comme Keith. Keith sonne comme Keith, il ne sonne pas exactement comme les Stones mais cela sonne toujours comme du Keith. Tandis que la voix de Mick sonne comme du Mick mais c’est un piège car il fait tous les efforts du monde pour ne pas sonner comme Mick…sans jamais vraiment y parvenir, je crois bien !
T.L : Oui
D.S : Bien nous allons donc pouvoir expérimenter cette chanson live dans le monde virtuel. Cela ressemble justement à la manière dont nous avons bossé cet album…sauf que nous n’avions jamais pensé à utiliser Skype pour bosser.
T.L : Dommage car cela aurait été vraiment intéressant.
D.S : Voilà pourquoi je suis ravi de cette expérience aujourd’hui. Le fait de faire cette interview entre nous trois, dans trois lieux différents à la fois me donne des idées. On va faire un truc en streaming live. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait hier pour participer à l’anniversaire de Ringo (Starr, qui d’autre ?) où je ne pouvais me rendre physiquement. Je veux juste vérifier que quand je joue il n’y a pas de délai entre nous.
T.L : Attend, je dois encore me déplacer. Tu m’entends toujours ? Ok on y va.
(Thomas Lindsey chantonne…hummmmm….Dave gratte sa guitare électro- acoustique) et vocalise : now you’re here anyway…C’est superbe et émotionnel. Mais après ce mini show, Dave a d’autres obligations à LA. Je reste néanmoins encore quelques instants avec Thomas Lindsey. Normal, j’ai déjà de très nombreux dossiers, comme on dit, sur Dave, tandis que celui de Thomas est un peu vide. Je poursuis l’entretien avec le chanteur de la formation Stewart Lindsey)
Dr Jekill/ Mister Hyde
Quel âge as-tu Thomas ?
T.L : J’ai 29 ans.
Tu as grandi à Derrider, un petit village de Louisiane de 10.000 âmes, tu ne parles pas un peu français ?
T.L : Hélas non, mais j’aimerais bien apprendre. Car en vivant en Louisiane, on réalise que nous avons hérité pas mal de choses de la France. Des lois, des expressions, une tradition…de la nourriture aussi ou au moins certaines manières de la préparer.
Qu’est-ce qui t’a convaincu de consacrer ta vie à la musique ?
T.L : En fait, c’est une question particulièrement sensible pour moi, car, pour ne rien te cacher, je suis encore indécis sur la question. Je dois t’avouer qu’en fait j’ai déjà un boulot, une carrière à plein temps, où je ne réussis pas mal. Mais chaque fois que je suis triste ou heureux, il y a toujours eu cette constante en moi, cet amour sans limite pour la musique. Et cela m’inquiète, car dans le monde où nous vivons aujourd’hui je me demande s’il sera encore possible pour les artistes de pouvoir vivre de leur art. J’essaye encore de voir si cela reste même encore possible pour moi de me dire : ok, j’ai 29 ans, je vais abandonner ma carrière ; désormais je vais devenir un artiste. Mais j’ignore si cela est encore viable de nos jours.
C’est terrifiant comme constat, car tu es objectivement doué, la preuve cet album où tu as convaincu ton héros de toujours de jouer avec toi. Et pourtant tu dis que tu ne sais pas si tu pourras vivre de ta musique.
T.L : C’est l’évolution de l’industrie et même du monde qui veut cela. Tout se retrouve désormais sur le net. Tout passe par le net. Mais il y a le coté clair et le côté obscur d’internet. C’est un fantastique plateforme pour relier les gens entre eux, les rencontrer et même travailler avec eux, j’en suis la preuve vivante. Auparavant cela aurait été impossible d’y arriver. Mais en même temps, il y a ce côté : voici cette musique ou voici cette vidéo qui se retrouvent mondialement distribuées gratuitement ou presque. Mais, là où j’ai grandi j’ai appris que lorsque vous achetiez de la musique, quand tu mises sur une chanson, c’est aussi une manière d’aider la personne dont la musique a su te toucher pour que cette personne puisse tout simplement survivre. Hélas, je ne suis pas certain que les gens le réalisent vraiment aujourd’hui.
C’est pour cette raison que de plus en plus d’artistes ne comptent plus sur leurs chansons pour vive mais sur leurs concerts.
T.L : Oui, de plus en plus. Voilà pourquoi cet album est un peu une expérience. Si les retours du public sont favorables et qu’ils montrent qu’il a envie de venir nous voir jouer avec Dave, cela serait vraiment super. Mais si dans six mois personne ne veut entendre ces chansons, cela ira tout de même car nous avons passé tellement de bons moments à faire cet album. Il faut jouir du moment. Mais si les gens ont envie de l’entendre, cool, on sera ravi de le leur jouer bien entendu. Pourtant, si cela n’était pas le cas, je n’en aurais pas le cœur brisé. J’ai toujours ma carrière. La plupart des artistes n’ont pas de plan « B ». Moi si. Cela les oblige souvent à se mettre sous la coupe d’un gros conglomérat ou une firme quelconque qui va finir par leur dicter la manière dont ils doivent concevoir leur musique. Mais moi je suis libre comme l’air car je possède une source régulière de revenus, qui me permet de choisir sans avoir à faire le moindre compromis. Bien entendu, si l’activité « musique » finit par prendre le dessus, je serai ravi de mettre e stand-by ma carrière informatique. En fait, je crée des applications et des trucs comme ça. C’est le côté très technique de mon personnage.
Tu es une sorte de Dr Jekill/ Mister Hyde ?
T.L : (rire) Oui c’est un peu cela. Avant de contacter Dave j’avais beaucoup de doutes sur les facultés artistiques. Mais le fait qu’il ait trouvé intéressant ce que je faisais, au point de vouloir s’intéresser à moi, je n’y croyais tout simplement pas au début. Désormais, j’ai ce côté double en moi et j’ignore lequel finira par l’emporter, le geek ou le musicien ? Surtout que la plupart du temps les artistes n’ont pas d’autre job et que cela leur déplairait de toute manière. Mais moi, en plus, j’aime vraiment beaucoup ce que je fais sur un ordi dans la journée. Cela n’est absolument pas une corvée pour moi. Nous avons de nombreux dons en nous, il faut juste oser les exhumer. Je suis très reconnaissant à Dave de m’avoir permis de m’exprimer, tout en me laissant totalement être ce que je suis, sans jamais chercher à l’altérer. Mais quand je bosse sur mo ordi, je suis toujours en train de chantonner et mon boss m’a dit un jour : mais pourquoi n’essayes-tu pas de composer des chansons ? Et je suis rentré chez moi le soir même et j’ai écrit ma première chanson. Ensuite j’ai sauté le pas et j’ai un peu chanté accompagné par un pote dans les bars du coin. C’était en 2010. Je rêve de vivre de ma musique, mais si ma musique ne parvient pas à me faire vivre, alors je me ferai une raison. »
Franchement, à l’écoute de ce premier album ( voir kronik https://gonzomusic.fr/stewart-lindsey-spitballin.html ) on a vraiment peu de doute sur le potentiel artistique du jeune Thomas et je parie 100 kilos de cacahuètes qu’il ne va guère tarder à quitter son Derrider, Louisiane pour parcourir le monde de sa voix extraordinairement haut perchée qui fait couler le blues comme on fait pleurer des rivières.