DEXYS MIDNIGHT RUNNERS : « Let The Record Show : Dexys Do Irish and Country Soul »
C’est seulement leur 5éme album en 36 années d’une incroyable carrière, c’est dire si ce nouvel opus des Dexys Midnight Runners de Kevin Rowland se révèle précieux. Comme à l’accoutumée, le Marvin Gaye de Birmingham nous offre son âme, passant de la Celtic soul à la « Irish and Country Soul » pour nous subjuguer à nouveau de son timbre vocal au pouvoir si émotionnel. Welcome back, Kevin my old friend !
Nous étions à l’aube des années 80. Kevin et ses Dexys avaient publié leur tout premier LP, le flamboyant « Searching For the Young Soul Rebels », un an auparavant et j’avais rencontré le chanteur dans un bar de New Bond Street, en compagnie du correspondant de BEST à Londres, Youri Lenquette. « Young Soul Rebel », Kevin l’avait prouvé de manière cinglante en « kidnappant » les bandes de son premier album pour faire pression sur son label EMI. Très remonté contre la presse rock anglaise, il avait décidé de cesser de communiquer avec eux et s’offrait, à ses frais, des pages de pubs dans le NME…pour fustiger les rédacteurs du NME entre autres. Néanmoins, outre-Manche, tout semblait différent ; le chanteur de Dexys acceptait de communiquer bien plus aisément avec certains journalistes rock comme Alain Wais, Youri…ou moi-même. Lorsque quelques mois plus tard paraît l’extraordinaire « Too-Rye-Ay », son mega-hit « Come On Eileen » fait instantanément du chanteur un véritable phénomène planétaire. Mais même dans la tornade du succès, Kevin n’oublie jamais ses potes. Journaliste à Actuel, en sus de BEST, je retrouve Kevin Rowland chez lui à Birmingham pour une longue interview informelle qui s’étire jusqu’au bout de la nuit…au point que j’en oublie de prendre mon vol pour Londres et que je plante mon interview prévue avec Chris Difford et Glen Tilbrooks de Squeeze. Mais la compagnie de Kevin défie le temps, son amour et sa connaissance illimitée de la musique, son talent à cuisiner les haggis (boudin écossais) et à préparer le thé repoussant toutes les limites spatio-temporelles. Lorsqu’il publie son CD de reprises « My Beauty » en 99 je suis tout autant subjugué qu’aujourd’hui à l’écoute de son « Let The Record Show : Dexys Do Irish and Country Soul ». Tout cela pour admettre que si Kevin se mettait à chanter « Petit papa Noêl », « My Way/ Comme d’habitude » ou même « Douce France » j’avoue : je resterai tout autant scotché. Aussi, face à ce nouveau Dexys, je réfute bien entendu toute notion d’objectivité. Selon l’adage quand on aime on ne compte pas, ces douze chansons me font briller des étoiles au fond des yeux, me font dresser les poils sur les bras et, à la limite, verser une larme. Impossible de résister à la voix de Kevin Rowland.
Paris t’attend de pied ferme toi et tous tes « coureurs de minuit » !
Certes, parmi les jolies reprises du nouvel album certaines me paraissent plus précieuses que d’autres, à l’instar de cette pure perle soul popularisée en 69 par The Friends of Distinction, « Grazing In the Grass » portée par la voix dorée de Kevin et l’imposant trombone de son vieux complice des années « Geno », « Big » Jim Paterson. De même, la reprise de la chanson de Rod Stewart de l’après-Faces, la tendre « You Wear It Well » délicatement ralentie, ne peut laisser aucun music-lover indifférent. Dans les années dorées de Dexys, Kevin Rowland affectionnait les covers instrumentaux, reprenant par exemple le « TSOP (The Sound of Philadelphia) » porté par les violons celtes des Midnight Runners. Cette fois, c’est sur un traditionnel mélancolique « Women of Ireland » que Kevin a choisi d’ouvrir le bal de son nouveau disque. Et l’effet sentimental de cette « soul irlandaise et champêtre » est immédiat. Plus surprenante, cette reprise du « To Love Somebody » des Bee Gees- tiré de leur 1er LP de 67- s’adapte parfaitement à la couleur « Irish and Country Soul ». Bryan Ferry l’avait lui-même chanté sur son premier solo au début des 70’s, mais le cover de Kevin du vaporeux « Smoke Gets In Your Eyes » est tout simplement grandiose…même si l’ami Kevin en fait un peu trop, nul ne peut y résister. Traditionnelles et issues du folklore irlandais, « Curragh of Kildare » ou la mélancolique « I’ll Take You Home Again Kathleen » semblent défier le temps. Et c’est bien là que réside toute leur force. La plus surprenante des reprises reste incontestablement, le « Both Sides Now » de Joni Mitchell, brillamment revisitée sur des violons qui pulsent la soul irish, qui compte également parmi les moments de bravoures de ce 5éme Dexys Midnight Runners. Enfin, tout s’achève sur la lumineuse « spleenienne » et grandiose « Carrickfergus ». Et l’on se dit alors que ce qui pourrait arriver de mieux à ces chansons, c’est de se retrouver sur scène. Kevin, mon ami, si tu lis ces quelques lignes, sache que Paris t’attend de pied ferme toi et tous tes « coureurs de minuit » !