L’ELECTRO-POP MADE IN GERMANY DE PROPAGANDA
C’était il y a exactement trois décennies, sur le label ZTT de Trevor Horne, le quatuor Propaganda originaire de Dusseldorf allait initier toute l’Europe au beat implacable des premiers hits electro-pop. En deux 12 inches « Dr Mabuse » et « Duel », Claudia, Susan, Michael et Rolf imposent leurs nouveaux rythmes électriques à l’Hexagone. GBD l’envoyé spécial de BEST était chargé d’analyser le phénomène.
Six mois après cette première mini-interview française Propaganda s’affichera carrément en couverture de BEST. Carrière météorite si l’en est. Le groupe allemand, mais désormais basé en Angleterre triomphera une troisième fois avec « P- Machinery » -toujours produit par le boss Trevor Horne-qui enflammera les dance-floors à l’instar de ses deux prédecesseurs. De même , le premier LP intitulé « A Secret Wish » s’arrachera comme des petits pains au chocolat devant un collège . Mais hélas très vite, le quatuor perdra sa cohésion. Too much too soon, Propaganda ne survivra guère à son succès. On en reparle dans six mois, lorsque je resortirais mon papier de une du numéro 215. Petite curiosité la photo qui illustrait le papier était signée Youri Lenquette. 😉
Publié dans le numéro 210 de BEST sous le titre :
GERMAINS,GERMAINES
Lorsqu’un robot rencontre un autre robot, ils copulent et font de la musique pour robots. La toute première fois que j’ai entendu Propaganda, c’était dans un studio d’enregistrement. Trucages, effets, échos, séquences, programmations, « Dr Mabuse » était manifestement un joli exercice de style réservé aux music lovers, un son cybernétique fait par des cyborgs pour des cyborgs. Fruit du label de Frankie, Zang Tumb Tuum, Propaganda n’était dans mon esprit que le prolongement des délires technologiques de Trevor Horn, une formation fantôme de chips et de diodes. Erreur herr Doctor, Propaganda est un groupe et je l’ai rencontré. Originaire de Dusseldorf, la formation se compose de deux mâles, Michael et Rolf, et de deux femelles, Claudia et Susan. Êtres de chair et de sang comme vous et moi, Propaganda succombe même aux faiblesses des nourritures terrestres et parisiennes. Et moi qui croyais que les robots n’en mangeaient jamais de ce pain-là!
» Lorsque nous avons démarré avec « Dr Mabuse », beaucoup de gens ont pensé comme toi », rétorque Michael Mertens, « Nous utilisons, c’est vrai, une technologie avancée. Nous avons pourtant évolué depuis le premier maxi, la preuve ce besoin de monter sur scène et de se lancer à l’aventure d’une tournée. ». L’image Propagada a contribué au succès du groupe. « Les journalistes et les médias nous ont collé cette image frigidaire » s’enflammeClaudia, « mais nous ne sommes pas des glaçons. On est humains. On travaille avec des instruments. Notre idée de la musique est même assez conventionnelle, voire rétro, mais la technologie est très présente. C’est vrai qu’avec « Mabuse » nous avons choisi de rester dans l’ombre pour mettre l’accent sur notre musique. »
Si ZTT est la chose de Trevor Horn, il partage ce pouvoir avec son associé au sein du label l’ex-rock critique Paul Morley. Or ce dernier est l’époux de Claudia … alors Propaganda : favoritisme ou piston? C’est Susan qui mène alors la contre-attaque : » Nous avons signé avec ZTT bien avant que Claudia n’épouse Paul Morley. »
Et Michael de surenchérir avec sarcasme : » Que diront les gens lorsque j’épouserai Trevor Horn. Nous l’annoncerons officiellement en décembre. Nous voulons un bébé, mais Trevor est si occupé en studio, je crois que nous serons forcés de l’adopter» Large comme un écran géant, le son Propaganda fait du cinéma pour les oreilles. Les deux premiers maxis du groupe portent chacun un nom de film: « Docteur Mabuse » et « Duel», Lang et Spielberg.
» Docteur Mabuse» est une référence volontaire, car nous voulions utiliser le thème du film. C’était un choix par rapport à notre identité allemande. Pour « Duel» par contre, là c’est une simple coïncidence. » Susan évoque son » identité allemande», mais comme Claudia, elle a quitté Dusseldorf pour Londres. Les mecs eux, sont restés en Allemagne, pour répéter c’est on ne peut plus pratique. Studio sensation, Propaganda se sent-il les tripes de reproduire une armada de trucages sonores sur une scène live?
« Nous ne sommes pas obsédés par la fidélité de reproduction de nos œuvres sur scène. Pourquoi chercher à reproduire ce qu’on a déjà créé. Live, Propaganda sera différent. Nous aurons un guitariste, ce qui est nouveau par rapport à l’album. Nous aurons aussi deux claviers issus de Simple Minds. Pour le reste, nous serons forcés d’utiliser des bandes. Certains titres sont très durs à reproduire en concert. C’est techniquement possible, mais dix fois trop cher. Nous en rêvons souvent, mais à ce stade Propaganda n’a pas les moyens de se payer un Synclavier et une demi-douzaine de musiciens supplémentaires. »
Michael pratique le pragmatisme germanique. Groupe pop à succès, Propaganda doit encore faire ses preuves avant d’enfler comme un super-groupe. À ce jour, ils se sont produits deux fois sur scène à Londres et New York. Michael, Ralf, Claudia et Susan n’ont carrément jamais joué en Allemagne. Produit de synthèse particulière- ment adapté au confort FM stéréo, Propaganda me fait l’effet d’un Pink Floyd modern style et dansant, Tangerine Dream revu et corrigé pour s’adapter au speed technologique. Cuisine d’avant garde ou fast food musique indigeste? Comme dans l’arène des gladiateurs, le public de cette première tournée européenne tranchera. Vae Victis ou les lauriers, « Vivre ou laisser mourir » …