EDDY GRANT SUPER FUNKY REGGAE HITMAKER
Voici 42 ans dans BEST GBD rencontrait un des plus grands héros de la galaxie reggae avec Eddy Grant. Et tant pis si le natif de Guyana n’est pas issu de la Jamaïque, avec ses hits incontournables du cool « Baby Come back » de ses Equals au lumineux « Walking on Sunshine » en passant par « Electric Avenue » « Do You Feel My Love » ou encore le rebelle « Police On My back » popularisé par les Clash, Eddy aura dominé au sommet toute la décennie des 80’s avant de disparaitre, c’est dire si cet entretien précieux éclaire ce héros de la musique hélas trop souvent oublié qui avait su avant tous bâtir son indépendance artistique avec son studio, son label et même sa propre usine de pressage de vinyles. Flashback…
Certes Eddy Grant n’a pas l’aura d’un prophète Marley, d’un martyr rasta comme Peter Tosh ou même d’un survivant comme Jimmy Cliff, pourtant on ne peut minimiser l’importance cruciale de ce multi instrumentiste chanteur guitariste bassiste batteur claviers né voici 77 ans à Plaisance dans ce qui s’appelait alors British Guiana avant de prendre son indépendance en tant que Guyana ; car durant toutes les années 80 Eddy Grant n’a pas cessé de publier des tubes comme une version hybride de Bob Marley et de Kool and the Gang, s’affranchissant de toute idéologie rasta pour promouvoir l’amour physique et le gout immodéré pour les pistes de danse avec une rare efficacité et sans jamais perdre la flamme. La preuve, pas plus tard que l’an passé Eddy Grant s’est distingué en faisant un retentissant procès à Donald Trump pour avoir utilisé sans son accord son « Electric Avenue » dans un spot électoral ( Voir sur Gonzomusic Trump va payer cher à Eddy Grant ). Rencontre rare avec un très grand hits maker trop souvent oublié.
Publié dans le numéro 181 de BEST sous le titre :

DES PLACES AU SOLEIL
« De « Baby Come Back » à « Electric Avenue », le long parcours d’Eddy Grant fut régulièrement émaillé de succès savamment confectionnés. To hit or not to hit, voilà la question, Gérard Bar-David lui a justement posé la question ». Christian LEBRUN
Hit machine ou homo sapiens, Eddy Grant, le Bob Marley des clubs, enfile les tubes comme un collier de perles. Black et rasta look, ii malaxe le rock, le funk, la disco, la tchatche, les rythmes antillais et le synthétiseur pour créer un son aussi facile qu’irrésistible. Certes, Eddy n’est pas un champion du ciboulot, sa musique n’est ni vindicative, ni révolutionnaire. Eddy n’est pas un prophète, ni un poète, mais un simple générateur énergétique. Certains le trouvent inodore, incolore et sans saveur, Eddy s’en balance depuis les Equals, son premier groupe multi-racial en 67, jusqu’à « Electric Avenue », sa dernière granterie, ses succès se comptent en millions d’albums vendus. Certes, ça n’est pas un critère, mais Eddy Grant n’est pas uniquement un faiseur de soupe à la Maggi. Sa musique est plus célèbre que ses dreadlocks ; Eddy est une sorte de Barry White rasta dont la philo se résume en un idéat d’amour un rien simpliste et utopique. S’il n’a pas inventé la poudre, il a su au moins trouver l’étincelle en frottant deux silex feu…
Mais d’abord un peu d’histoire Eddy pousse ses premiers waps en Guyane et débarque à Londres en 1960. Il monte ses Equals quelques années plus tard et commence à écumer les clubs. Eddy a un sens inné du rythme et l’utilise pour faire danser les autres avec un certain succès. Très vite alpagué par la Jamaïque, Eddy ne tarde guère à laisser pousser ses cheveux qu’il déplace aujourd’hui devant lui sur une brouette. Eddy ne boit pas, ne fume pas de tabac et applique un way of lite strictement végétarien ; de santé fragile, il sort tout juste d’une opération.
FACE B
Ready Eddy ? Eddy Grant a le mal du rail, déteste l’avion et se déplace donc en train, ce qui le plonge dans un état de somnolence avancée wake up Eddy !
« Remontons le temps jusqu’aux Equals, si tu le veux bien et étudions un peu tous ces hits prototypes.
Eh bien, tout a commencé par « I Won’t Be There » en 67 mon premier hit avec les Equals fut en Allemagne. En même temps, il y avait ce boom du ska en Jamaïque et, parallèlement, j’en ai profité pour produire le premier hit ska en Angleterre pour un groupe appelé les Pyramids. C’était en fait un pseudo pour Eddy Grant; le tube s’appelait« Skinhead Moon Stomp ». Mais à cette époque, les Equals n’avaient toujours pas réussi leur percée anglaise Les musicos voulaient même que l’on change le nom des Equals en Pyramidst mais j’ai refusé net : je croyais dur comme fer au succès des Equals et j’étais bien décidé à le prouver. Heureusement, avec « Baby Corne Back j’ai démontré que le ne m’étais pas trompé. C’est un de mes titres préférés, mais le gag, c’est qu’il est d’abord sorti en face B d’une autre chanson, « Hold Me Closer » et j’ai dû attendre dix-huit mois avant qu’il ne cartonne les Charts en N° 1. Je me souviens encore de cette discussion avec Eddy Kazner, le directeur du label des Equals, où je lui expliquais qu’il fallait absolument inverser les faces ; la suite a prouvé que j’avais encore raison. Et puis, ça n’est pas grave si un disque floppe ou tarde à gagner, ça n’est pas la fin du monde. Bien sûr, ça me tient à cœur, mais je n’en fais pas une maladie. Ma philosophie est simple, si ça ne marche pas avec celui-ci, ça marchera avec le prochain ; je ne suis pas l’homme d’un seul tube, vois-tu. Dieu m’a donné le privilège de composer et je sais que j’écrirai jusqu’au dernier jour.
Je suis sûr que tu as écouté l’une des cinquante covers de « Baby Come Back quel est ta préférée ?

Equals
À dire vrai, je n’en aime vraiment aucune. Toutes les reprises des chansons des Equals n’ont pas un feeling qui me touche vraiment à l’exception du «Black Skinned Blue Eyed Boys », l’instrumental de la section de cuivre du Muscle Shogais. Pour moi toutes ces covers manquent de lumière, d’énergie et surtout n’apportent rien de neuf. Quant aux reprises de mes chansons, celles que j’aime vraiment sont rares : le « Wa/king On Sunshine » de Rockers Revenge et celles qu’a fait Gramacks le groupe de Jeff Joseph.
Donc, la plupart du temps, tu es déçu par ce que les gens font de les hits ?
(carrément !) Yeah, ils n’y mettent pas assez d’amour et de soin lorsqu’ils les chantent. (ironique)
Tu te sens trahi, peut-être ?
C’est tout à fait l’expression qui colle à mon feeling. Après tout, ces gens ne savent peut-être pas apporter un esprit neuf à mes chansons.
Donc, pour qu’une cover te plaise, il faut qu’elle soit différente mais avec la même dose de chaleur.
Oui les mêmes vibes et le même sens de l’émotion.
Revenons aux hits des Equals, nous sommes en 68…

Equals
Oui, après i « Baby Come Rack », il y a « Get So Excited » qui a suivi le même chemin dans les charts. D’ailleurs, notre premier classement dans les hits anglais c’était justement « I Get So Excited » puis « Give Love A Try » puisque « Baby Corne Back » est arrivée après à cause de cette histoire de B Side avec •Give Love A Try » est pour moi une chanson essentielle. 9 semaines dans les charts, jamais les Equals n’y étaient resté aussi longtemps. D’ailleurs, j’ai toujours eu cette impression mis elle est peut être fausse je n’en sais rien mais que peut-être John Lennon s’en est inspiré pour faire « Give Peace A Chance » car c’était exactement à la même époque. Puis j’ai quitté le groupe pour des histoires de santé ; j’avais aussi l’impression qu’il était temps pour moi de faire mon chemin. Je n’ai pas pour autant coupé tous les ponts avec les Equals puisque j’ai produit leurs deux alnums suivants « Born Ya » et « Mystic Sister ». Le groupe a continué pendant trois ans sans moi et ils se sont séparés.
HELLO AFRICA `

Eddy et Bob
Les Equals ont-ils eu des hits après ton départ ?
Heu… non, aucun. Les temps ont changé très rapidement. Je me suis retrouvé solo en train de monter mon propre studio le Coach House et ça n’était pas aussi facile qu’il y parait. Je l’ai construit avec un ami ; au début, il n’était pas très vaste mais correspondait exactement à la fonction que je lui prêtais. J’ai démarré sur huit pistes puis je suis passé à seize et enfin vingt-quatre.
Et aujourd’hui tu en es à cent-trente-six ?
Pas exactement, mais j’aurais bientôt quarante-huit pistes pour coller aux critères des artistes internationaux qui voudront l’utiliser.
Après les Equals quel a été le premier tube d’Eddy Grant?
C’était « Hello Africa » en Jamaïque, puis en Afrique où le titre a vraiment cartonné.
Comment as-tu réussi ta percée africaine ?
Au prix d’énormes difficultés. J’ai un copain à Lagos qui est venu en vacances chez moi à Londres, et m’a raconté que là-bas ils n’arrêtaient pas de passer mes disques. « Comment est-ce possible ? » me suis-je dit. Peut-être devrais-je y aller pour voir exactement ce qui se passe. Donc je suis parti à Lagos, au Nigeria, et j’ai rencontré tous les importateurs qui venaient à Londres acheter des disques pour les dealer là-bas. Lorsque je me suis rendu compte qu’ils pouvaient vraiment vendre mes disques, je me suis débrouillé pour leur faire parvenir directement à un prix défiant toute concurrence, couvrant les frais de pressage. En éliminant tous les intermédiaires, ils pouvaient ainsi réaliser d’énormes bénéfices sur ma musique, ils en ont donc vendu des tonnes. Ainsi les gens ont commencé à me connaitre, j’ai été invité pour des télés, des radios et bang… c’était gagné. En fait, il suffit juste d’aller vers les gens pour réussir. Et j’ai fait fa même chose à Paris ou à Trinidad où je dansais dans les rues.
Tu n’as jamais donné de concert en Afrique ?
Une fois, je suis allé en Zambie avec les Equals, mais je n’ai jamais joué en Afrique en tant qu’Eddy Grant. Chaque chose vient en son temps. Par exemple j’avais toujours rêvé de faire l’Olympia et maintenant j’y réussis ; si j’avais foncé voilà cinq ans, ça n’aurait jamais collé.
Tu sembles avoir un net penchant pour les chansons longues. Tes derniers tubes, comme « Living On The Frontline », dépassent tous les cinq minutes.
Pourquoi pas, personne ne va se plaindre quand Tchaïkovski compose des trucs qui n’en finissent pas, pareil pour le Symphonic Orchestra ; dès le moment où c’est vraiment intéressant, quelle importance ? Si les gens aiment cela, ils l’écoutent sans se soucier du temps qui passe
Comment composes-tu ?
Je n’en sais rien. Comment expliquer le vent frais ou te soleil, ça n’est pas nécessaire. Le feeling est dans la musique et la personne à qui tu devrais l’expliquer peut écouter, peut sentir ce que tu veux lui faire passer ; si elle ne le sent pas, tu n’as aucun succès, voilà tout.
Aujourd’hui, tu es complètement indépendant tu as ton label, ton studio et même ta propre usine de pressage.
Heu.. je ne l’ai plus, je l’al vendue à cause de la récession : je n’arrivais plus à payer les factures.
On dirait que ton histoire est toujours en dents de scie.
Heureusement ça doit être très ennuyeux de n’avoir sans cesse que des numéros un. Pourquoi crois-tu que toutes ces pop stars se font sauter la tête, moi, je sais au moins que ça ne m’arrivera jamais. »
Un esprit sain dans un corps sain Eddy a trop le sens du bizness pour se laisser bouffer. Son dernier « Electric Avenue », ravage les States et le reste de la planète, le cash-flow coule à flots dans sa tirelire, bref, ça baigne pour lui. Et tant pis si Eddy est atteint de mégalomanie ravageuse ; à mon avis, John Lennon devrait venir le tirer par les pieds pour lui enseigner !e vrai sens des choses lorsqu’il ne faut pas confondre l’art et l’épicerie… aussi fine soit elle.
Publié dans le numéro 181 de BEST daté d’aout 1983
