SPIRIT OF MYMYMY “My Pleasure My Pain”
C’est un album rare, un album subjuguant et puissant, à l’image de ses pures racines blues, qui s’enfoncent si profondément dans nos bayous virtuels, après son historique Casino Music au crépuscule des 70’s, puis son Jumbo Layer des années 010, Gilles Riberolles revient enfin, porté par tout le pouvoir de son mojo magique, avec “My Pleasure My Pain”, le premier album de Spirit of MyMyMy, sa nouvelle formation et l’on ne peut, forcément, que se laisser envouter.
Je ne vous présente plus Gilles Riberolles. A la fin des 70’s, porté par son funk passé à la chaux vive, il incarne en précurseur l’image idéale du jeune homme moderne avec son Casino Music. Produit par Chris Stein, le fondateur et guitariste de Blondie, une première dans l’Hexagone, l’album « Amour Sauvage », distribué par le label franco-américain indé ZE records, sort à l’automne 79, comme un souffle rafraichissant qui ringardise gravement la plupart des autres groupes français. Rien d’étonnant à ce que Gilles ait d’emblée visé cette dimension internationale, fameux rock-critic de BEST, n’a-t-il pas déjà tendu son micro de journaliste à tant de stars anglo-saxonnes ? Touche à tout surdoué, une de ses photos (colorisée après coup) d’un concert de Bowie illustre même « Stage », son double LP live de 1978. Cependant, c’est bien à la musique que Gilles Riberolles décide de vouer sa vie. Musicien un jour, musicien toujours, il abandonne le journalisme pour se consacrer à 100% à cette passion qui l’anime. Au fil des ans, son exploration de la musique noire le conduit à sa source : ce blues né dans le delta du Mississippi qui remonte jusqu’aux rives du lac Michigan pour s’électrifier. Et après l’expérience Jumbo Layer ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/le-juste-coup-de-gueule-de-gilles-riberolles.html ), Gilles Riberolles se lance dans l’aventure Spirit of MyMyMy, dont voici enfin le premier album “My Pleasure My Pain”. Capturé au 16th Floor studio, son studio perso, avec la complicité de Marc Stone, fameux slide-guitarist de New York City, illuminé par la ravissante présence d’Elli De Mon qui pose sa voix sur deux des 12 titres du CD, l’album publié ce jour chez Milano Records est une des belles surprises de ce drôle de printemps. Et tout commence avec « Fleeting Of My Reverie », où l’on retrouve tout ce qu’il nous faut, le beat graveleux, la voix éraillée, la référence à « the crossroad » omniprésent dans le blues et son titre, en partie français qui fleure bon le bayou cajun. Gilles Riberolles se réincarne ici avec art, dans la peau du bon Dr John. Et nul ne saurait le lui reprocher. Son blues climatique se révèle juste parfaitement subjuguant. Et sa guitare pleure tant, qu’on aurait envie de lui tendre un kleenex pour éponger son chagrin. La suivante, « Troubled », est aussi cool que sensuelle, c’est une soul lancinante et entêtante, portée délicatement par la voix de sa superbe guest, Elli De Mon. Pourtant, si cette composition a un feeling « déjà vu » de la sublime « If Loving You Is Wrong » de Luther Ingram de 72, nul ne pourra le lui reprocher. Preuve que black est toujours beautiful chez Riberolles, « War Paint » sonne comme un écho de War the music band avec harmonica, funky climatique groove à la Johnny Guitar Watson, comme un super dialogue entre Gilles et le rugissement fauve de la guitare.
« Funky Dirty Party », après sa super intro piano bastringue façon New Orleans, nous entraine dans son atmosphère swing qui évoque un peu le joyeux “You’re Sixteen” de Ringo Starr. C’est une cool compo pour deux minutes et 24 secondes de bonheur. La chanson-titre, “My Pleasure My Pain” est un blues nonchalant, hypnotique comme une cérémonie vaudou, torride et humide comme une nuit de pleine lune dans le bayou. « Growling Lady Power » marque le retour d’Elli De Mon derrière le micro, en chatte sur un toit brûlant pour ce blues si sensuel aux feulements félins. Avec son « Hoochie Coochie Lady » Gilles joue le clin d’œil appuyé à Muddy Waters et à son « Hoochie Coochie Man »… mais au féminin et sur un beat furieusement répétitif qui martèle l’esprit avant de transporter le corps. Une des deux reprises de l’album « Got Love If You Want It” est un cover du légendaire Slim Harpo et constitue un des musts de ce joli projet.“Playing With Specters On the Loose” est sans doute MON titre favori de l’album, porté par ses cuivres torrides et son piano Hammond , funky jazzy endiablé comme un exorcisme, déploie une énergie folle pour LE hit incontestable de l’album. J’adore et je parie que ces spectres-là ne vont pas rester bien longtemps au placard ! « Real Cool Cat », porté par son tropical beat, se révèle chaleureux et festif comme un carnaval. On ferme les yeux et on rêve d’une noix de coco plantée d’une paille, pour en déguster le lait, les doigts de pieds en éventails sous les palmiers pour une coolitude idéale. Seconde reprise du CD avec « High Blood Pressure » de Huey « Piano » Smith, héros du style New Orleans de l’après-guerre sur son titre le plus fameux, un blues sautillant débordant d’énergie, qui appartient au patrimoine de la Louisiane, au même titre que son délicieux gumbo. Enfin, l’aventure “My Pleasure My Pain” s’achève en beauté avec « No Need For Words », un instrumental délicatement rétro, au feeling de “Apache” des Shadows mais en bien plus funky, avec un petit rien de “Let’s Go to Bed “ de the Cure, mais en bien plus chaleureux, débordant d’énergie et de coolitude, le final de feux d’artifice de ce joli projet Spirit of MyMyMy, auquel on ne peut, bien entendu, qu’adhérer.