NOIR DESIR « Débranché »
Album posthume ou album post-thune ? That’s the question. Était-il opportun de ressortir de vieux titres live de Noir Désir ? Au-delà de la question morale, « Débranché » porte en lui son tragique dilemme : peut-on séparer l’œuvre de l’artiste ? Formation électrique par excellence, le groupe nous surprend ici par sa délicatesse acoustique. Unplugged, Noir Désir est comme un grand fauve aux griffes émoussées et ce « Débranché » projette un intense flash-back sonique!
L’acoustique « Débranché » se scinde en deux parties, tout d’abord dix titres capturés durant le concert du 5 octobre 2002 donné au Leonkavallo de Milan, puis quatre autres chansons enregistrées le 20 juin 1997 pour l’émission de télé Much Electric, à Buenos Aires. Tout démarre par la mélancolique « Si rien ne bouge », extraite de « Du ciment sous les plaines » de 1990. C’est sûr, que pour un groupe cryogènisé depuis la nuit tragique du 26 au 27 juillet 2003 à Vilnius, commencer par un titre pareil semblait particulièrement adapté. Dur de séparer le bon grain de l’ivraie, l’objet d’art de l’artiste qui l’a façonné. Et malgré la puissance des mots, la délicatesse du pari artistique acoustique, on ne peut s’empêcher de ressentir un certain malaise. Mais nous sommes un an avant que Marie Trintignant ne décède sous les coups de son compagnon et Noir Désir était encore porté par un avenir radieux. Le second morceau, « Le vent nous portera » date de l’ultime Noir Déze de 2001 « Des visages des figures », et il n’est pas très surprenant de le retrouver ici, puisque c’était déjà un quasi acoustique, dans sa version album. Là il se métamorphose en mélopée hantée, entêtante et fantomatique, malgré l’absence de la guitare magique de Manu Chao. Bien plus torturé, voici « L’homme pressé », extrait du « 666.667 Club » de 1996… en version allumée en envoutée où Cantat scande : « Ma carrière est en jeu/ je suis l’homme médiatique/ Moi je suis plus que politique/ Car je suis un homme pressé… » c’est sûr et certain, on ne peut s’empêcher de chercher à lire entre les lignes des textes et les mots hélas parfois rejoignent la troublante réalité. Toujours sur le même album, la chanson-titre « Des visages des figures » transfigurée acoustique et intense, émotionnelle et délicate, paradoxalement touchante sur la voix brisée de Cantat, si loin de sa version électrique, est littéralement arrachée à l’attraction terrestre par le pouvoir de la guitare lumineuse de Serge Teyssot-Gay.
Carrément incantatoire, « Les écorchés » date de « Veuillez rendre l’âme….» en 1989, le 2éme album du groupe de Bordeaux, mérite bien son titre, pour un groupe d’écorchés vifs, et devient ici un flamenco sombre comme une danse macabre. Pourtant plus tubesque, « A l’envers, à l’endroit » est le superbe hit de « Des visages, des figures » en version balade acoustique, mais là aussi des mots nous accrochent inexorablement comme « la belle au bois dormant a rompu les négociations » et malgré sa beauté, il nous laisse une sorte d’amertume sur les lèvres. J’avais carrément oublié « Song For JLP », cette chanson en anglais extraite de « 666.667 Club », on en retrouve même une seconde version sur le second concert acoustique de 97 à Buenos Aires. Elle ici bien torturée, portée par la voix cassée du chanteur dans un feeling incroyablement Nirvanesque. Les quatre derniers live ont donc été interprétés en public pour le show télé Argentin Much Electric. Et d’abord « Un jour en France », un des titres les plus emblématiques de Noir Désir de 96, ici version est juste superbe, aussi aérienne que captivante, portée par une drôle de clarinette. Rien à redire. Sauf le malaise général qui fait que Cantat ne pourra plus jamais être un chanteur comme les autres, même si ses potes n’y sont pour rien. Suit la puissante « Fin de siècle », toujours du « 666.667 Club », incantatoire et hantée, où voix explosée de Cantat rugit sur les guitares débranchées. Superbe performance qui rappelle que ce groupe fut l’un des plus essentiels de toute l’histoire du rock hexagonal. « Song For JLP » MK2, et cette seconde version acoustique est encore plus torturée. Enfin, cet intense flash-back sonique s’achève sur un autre titre obscur, avec « Back To You », extrait du tout premier LP de 1994, vocalisé en anglais, il sonne entre les Doors et l’Opéra de Quatre Sous, transportée par guitare hallucinante de Serge Teyssot-Gay plus Jimmy Page que Jimmy Page. En épilogue, « Débranché » est un terrible témoignage du gâchis intégral que représente le naufrage de Noir Désir pour le rock français et ses aficionados.
Bonsoir,
Il serait temps de prendre du recul et de faire comme Simone Veil a fait avec les allemands après avoir été en camp de concentration : tendre la main pour faire la paix.
On ne construit rien sur un acharnement permanent et du ressentiment.
Cher (e- Bitax le ressenti vis à vis de bertrand cantat est DIRECTEMENT proportionnel à son acharnement à défendre tout un tas de causes dont celui des femmes… pour le résultat qu’on connait hélas.
Bonsoir GBD,
Ravi de vous lire. Rien que pour cela merci.
Sur le sujet de Bertrand Cantat, je ne suis pas sûr de saisir votre point. Les anti-Cantat me paraissent acharnées, et ne font à mon sens pas preuve d’élévation sur un sujet si tragique et pathétique. La paix ne sera jamais là, je le regrette.
Quand aux causes que chacun défend, ce sont des ressorts que je ne peux juger, car cela fait partie de leur identité même. Les renier amèneraient les gens à se renier eux-mêmes. Les gens sont faits de paradoxe/contradiction entre leurs paroles et leurs actions. Sont-ils pour autant catalogués pour Toujours? Cela doit-il les empêcher de nouveaux projets?
Bonne fin de journée