DU CHAMP POUR CHAMFORT !

 

Alain Chamfort par Boris Camaca

Alain Chamfort par Boris Camaca

Tout simplement intitulé « Alain Chamfort », le dernier album de cet éternel jeune homme sorti depuis deux mois continue allègrement son petit bonhomme de chemin tellement séducteur, alors forcément cela donne envie de sabrer le champagne, histoire de fêter ce joli succès mérité qui fait néanmoins chaud au cœur. Cheers !

 

Rencontré par hasard devant chez Jean Luc, le garagiste qui répare ma Stag, j’ai chaudement félicité Alain Chamfort pour la qualité de son dernier disque. Mon fameux voisin du XXéme arrondissement m’a alors expliqué qu’il n’arrêtait pas, entre les radios, les télés et les journaux de promouvoir son dernier album. « Alors si tu fais à peu près tout, » » lui ai-je dit « acceptes-tu de venir faire mon épatant webzine ? ». Et Alain Chamfort de répliquer : « Bien sur, avec plaisir ! » avant de répondre, exclusivement bien sur, aux nombreuses questions de https://gonzomusic.fr/ .

Alain Chamfort par Boris Camaca

Alain Chamfort par Boris Camaca

« Ton dernier véritable album studio était « Le plaisir » publié en 2003, voilà plus de dix ans.

Oui mais en même temps, ces douze années sont très vite passées. Et les douze prochaines vont filer encore plus vite car il y a un phénomène d’accélération du temps. Et que j’aurais 78 et même que cela commence à m’inquiéter

En même temps, vu que tu ne les fais pas du tout, tu auras l’air d’en avoir 58 !

Le problème n’est pas de les faire ou pas, c’est de les avoir. Même si ces années sont passées très vite. On ne se rend pas compte. Pourtant, je n’ai pas l’impression d’être resté sans rien faire ou d’avoir perdu mon temps.

C’est le moins que l’on puisse dire, avec cinq ou six projets musicaux à ton actif durant ce laps de temps…

Oui il y a eu quand même des tentatives…

Un live : « Impromptu dans les jardins du Luxembourg » (2005), une compile l’année suivante, une intégrale de tes œuvres ( Ce qui reste, c’est l’air 1966/2007), l’album biographique « Une vie Saint-Laurent » (2010) et le CDs de reprises de tes chansons en duos exclusivement féminins « Elle et lui » (2012)…un peu décevant d’ailleurs cet album de duos ?

De toute façon c’était écrit au départ que cela ne pouvait être que décevant. Dans la mesure où, déjà quand ils m’ont proposé de faire un album de duos, c’était le enième album du genre qui sortait. Même Gérard Lenormand en avait fait un. Je dis « même » ce n’est pas très gentil, mais enfin…beaucoup de gens en ont fait et je suis arrivé en queue de wagon, avec ce projet présenté par Mercury.

Le problème aussi était le choix des artistes…

Effectivement, ils n’ont convié pour la plupart que des chanteuses de leur écurie Universal ! Ils n’ont pas validé la liste que je leur proposais ; c’était bien plus simple pour eux de prendre des gens qu’ils avaient déjà sous contrat chez eux. Il n’y avait pas besoin de contacter des managers et des labels, pas besoin de négocier. Voilà, ça a été réglé comme ça. Je m’étais dit que, au moins, cela me permettait de rejoindre un label et que cela allait peut être aboutir à publier un album inédit. C’est un peu ce que j’avais en tête. Ce qui s’est produit, sauf que l’album inédit, je ne l’ai pas fait chez eux. En fait, cette expérience malheureuse n’a fait que conforter ce que je savais depuis des années. On a sorti cet album de duos fin mai 2012. J’ai fait pas mal de choses en juin puisqu’après tout le monde était en vacances. J’ai fait une promotion assez intensive, mais on avait toujours envisagé tous ensemble qu’on passait l’été et qu’après on travaillait un autre extrait. Et qu’on allait faire vivre l’album jusqu’à Noël. Car tu sais très bien qu’en sortant un disque fin mai, tu ne lui donnes pas beaucoup sa chance, on va dire.

Il n’y a que des rediffs à la télé et à la radio des émissions bouche-trous de remplacement. Néanmoins, et bien évidemment, à la rentrée, on t’a dit que c’était plié ?

Evidemment, en septembre j’arrive pour obtenir rendez vous pour savoir ce que l’on avait décidé, quelle allait être le prochain single et tout. Après avoir remis cette réunion plusieurs fois, ils finissent par me recevoir, on est déjà la troisième semaine de septembre ; je savais que c’était pour m’annoncer de mauvaises nouvelles…ils me disent : bon on va laisser tomber…Et tout ça brutalement sans la moindre des formes, sans même te ménager un minimum. II y a un coté comme ça extrêmement violent, ils me disent « il faut que tu fasses un nouvel album maintenant. » Heureusement que je n’avais signé que pour ce projet-là, l’album de duos.

Dés septembre ils voulaient un nouvel album livré clefs en main…y’a qu’à …c’est dingue d’être à ce point déconnecté de la réalité ?

Oui…ils disaient « maintenant, il faut faire un nouvel album » en me laissant sur le carreau au bout de deux mois ! Je leur ai dit : attendez, vous pensez que ça m’encourage de se comporter de la sorte?

En même temps ils n’avaient pas tort, sauf qu’il ne fallait en aucun cas que tu le fasses chez eux ?

Sauf que… je n’avais pas du tout envisagé de faire un album. Ce n’était pas dans mes prévisions…jusqu’au jour où un ami me parle de Frédéric Lo, me conseillant de le rencontrer car il pensait qu’ensemble nous pouvions faire des trucs sympas. Il m’a dit : «  je pense que l’idée lui plaira car il aime ce que tu fais; de plus il a un peu de temps, il a un studio, vous pourrez un peu bricoler ensemble ». Je me suis dit : après tout, je préfère bosser avec un collaborateur plutôt que de travailler tout seul chez moi sans savoir où ça va aller. J’ai donc contacté Frédéric, je ne savais même pas que c’était lui qui avait fait le Daniel Darc. Je l’ai su après l’avoir rencontré. J’approche donc Frédéric, il m’a demandé de lui faire écouter un tas de petites choses que j’avais mises de coté, comme ça. Je lui fait écouter et il était assez satisfait. Il me dit : « ouais il y a de quoi faire… ».

Il y avait déjà également Jacques Duvall dans l’histoire ?

Bien sur. Moi c’est avec Jacques ou pas, c’est incontournable. On est allé voir Jacques avec deux trois musiques, la première c’était « Deux poignards bleus »

Justement la chanson qui ouvre l’album…

Oui…tu vois, au début, on voulait le sortir pour Noël 2014, mais on a réalisé que cela ne serait pas réaliste. Frédéric devait aussi achever les projets sur lesquels il s’était engagé comme Pony Pony Run Run. Donc, on a laissé des morceaux à Jacques, qui était soufrant depuis pas mal d’années mais finalement il s’est laissé porter par le projet et cela lui a même donné une vraie motivation. Dés qu’on a eu quatre cinq chansons d’écrites, Fréderic étant en relation avec pas mal de labels, il est allé les faire écouter et on a eu assez rapidement des propositions. Il est allé voir les majors, mais je savais que ce n’était pas là qu’il fallait frapper. Et quand Guillaume Depagne est arrivé pour nous faire part de l’intérêt que nous portait PIAS, j’ai senti que c’était plus adapté à notre situation. Lui est discret ne la ramène pas et il aime la musique.

Je pense aussi qu’il était fan de ce que tu fais.

En tout cas, il a vraiment montré une détermination. Et’elle était également partagée par Kenny Gates, le patron de PIAS, ce belge d’origine anglaise. Il a aussi été très déterminent. C’est important, évidemment que le patron soit motivé !

J’ai noté une bonne utilisation des réseaux sociaux pour annoncer l’album, avec des teasers, des petits films en studio, des photos, des messages…

Oui c’est inévitable maintenant, même si je ne suis pas le modèle idéal pour cela. Ce genre de communication est quand même associé à des gens de la génération actuelle, moi je ne suis pas lié naturellement à la communication par les réseaux. Mais beaucoup de gens ont des Facebook, je vois ma sœur qui a une page FB, elle ne savait pas ce qu’était internet il y a trois ans. Ca s’est vraiment répandu dans toutes les couches de la société. Mais le coté qui consiste à faire grossir le réseau et à l’alimenter… ce n’est pas dans ma vocation.

Moi je trouve cela plutôt sympathique ; ce n’est pas de la promo pure et dure, c’est plus une attitude de fan.

Oui, c’est de l’info.

C’est aussi l’envie que d’autres partagent un coup de cœur sur cet album où chaque chanson pourrait pratiquement être un 45 tours. Car au niveau compositions, cet album c’est du lourd.

Moi je trouve qu’un album est une compilation de chansons où elles ont toutes leur place . Je n’ai pas envie qu’il y en ait une qui fasse remplissage. On a envie que chaque chanson corresponde à ce qu’on a envie, qu’elle nous fasse plaisir, qu’elle nous donne envie de la faire partager. Et puis, ce n’est pas un album tunnel. Tu as des albums comme ça où tu rentres dedans, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, un album comme Miossec qui est chez PIAS aussi, tu rentres et c’est un peu un mood que tu retrouves d’une chanson à l’autre. Moi je l’ai envisagé plus avec des humeurs différentes, comme un petit voyage…j’aime bien quand on arrive à la fin de la chanson, on rentre dans la suivante et elle t’amène vraiment ailleurs, tu vois.

Alain Chamfort par Boris Camaca

Alain Chamfort par Boris Camaca

Et tu as aussi su te faire plaisir par rapport aux musiques que tu aimes et qui t’inspirent. Certains petits traits musicaux me sont ainsi apparus, par exemple j’ai noté que « Deux poignards bleus «  avait un coté très Bryan Ferry !

Oui c’est ce coté un peu lancinant, on est sur une base harmonique qui tourne un peu sur elle même.

A la « Slave To Love »…

Exactement, oui. Sur le moment on n’est pas parti de références précises, mais ça ressort toujours de manière un peu entre les lignes.

Pareil, « Ensemble » me rappelait « Ford Mustang »…

Gainsbourg…oui, c’est au moment du mixage que l’ingénieur du son nous a dit la même chose. C’était fait, c’était fait, ce n’était pas non plus une envie particulière, mais ça s’est installé naturellement. Moi j’ai fait les chansons dans un premier temps au piano. J’ai enregistré une piste au piano, puis j’ai mis ma voix dessus. Frédéric a commencé à organiser un un type d’arrangements autour, des ambiances, une ligne de basse, un rythme, tout ça. Après, on allait voir Jacques. Il nous faisait un texte. Ensuite, je mettais la voix sur cette partie là. En sachant que l’étape suivante ce serait de demander à des musiciens de jouer. Mais il n’y avait pas de références précises.

Certaines sont aussi très Chamfort, dans le style de l’écriture. Ainsi « L’amour n’est pas un sport individuel » me rappelait « Ce n’est que moi » par son coté autodérision. Peu d’artistes savent se remettre en cause et de jouer d’eux mêmes. Même si on sait que les textes sont signés Duvall, ils sont taillés sur mesures pour toi et te ressemblent forcément.

Il y a toujours cette capacité là d’être un peu dans l’autodérision, de faire les choses avec une forme de distance, même si il ne faut pas que cela devienne non plus systématique. Que cela soit un gimmick. Quand ça se présente, ca arrive un peu naturellement. Comme le dit Jacques, lui ne sait pas non plus où ses chansons vont l’amener. Il écoute mes musiques et puis après il remplace mes « lalala » par des mots qui lui tombent dessus, il ne sait pas trop pour quelle raison. Et une fois qu’il a trouvé deux trois phrases, il essaye de construire une histoire autour de ça.

Cette chanson « Joy »…il y a tout de même beaucoup de tes chansons qui ont des prénoms de gonzesses… Clara, Sapho, Sophie, Lucette, Lucie, Lucille…

C’est possible, je n’en ai pas fait le tour. C’est amusant car pour une fois, la musique a été écrite sur le texte. C’est un texte que Jacques m’a envoyé. Je l’ai lu deux ou trois fois, je me suis mis au piano et c’est ce qui est sorti, c’est cette musique là qui est venue par rapport à la découpe, parce que il y avait un débit et si j’avais mis trop de césures on aurait eu quelques difficultés à suivre. Donc j’ai séparé Joy et après….c’est venu sans y réfléchir à l’avance.

Musicalement, elle fait un peu Pet Shop Boys.

Alors justement cela ouvre le débat auquel j’ai du faire face à plusieurs reprises, souvent de la part d’un certain nombre de personnes, programmateurs de radios, journalistes et autres…tu as une façon d’envisager les choses, les chansons qui paraissent trop évidentes, avec une espèce de suspicion

Ce n’est pas mon cas et puis il est normal que tu écoutes des choses elles mêmes inspirées par d’autres artistes. Tant que ce n’est pas « Blurred Lines » directement pompé sur le « Got To Give It Up » de Marvin Gaye, tout va bien ! Ou bien « Soul Makossa » de Manu avec Michael Jackson ! Tu as toujours aimé le rock Anglais et basta !

Les Pet Shop Boys, les producteurs Anglais ou Américains ont cherché à avoir des hits . ils tombent là ou ils ne tombent pas, il n’y a pas de règle pour l’écrire. Mais quand on en a un, quand on a quelque chose comme ça qui semble un peu avoir cette capacité d’être une sorte de ritournelle avec l’efficacité qu’on lui trouve, ce serait un peu dommage de ne pas la faire. Quand c’est les Pet Shop Boys ou autres, on trouve ça vachement bien. Mais si c’est un artiste Français ou en Français, on considère souvent qu’il y a un coté un peu suspicieux.

Moi cela m’évoquait aussi un autre artiste, Alain Chamfort qui avait composé jadis une chanson intitulée « Manureva » dont Serge avait fait les paroles !

Oui c’est une chanson un peu dans cette lignée là, c’est dans mon ADN, cela fait un peu partie de moi.

Celle qui m’a le plus surpris c’est « Où es-tu ? », le duo avec Charlotte Rampling. Et dans la forme et dans le fond. Le texte surréaliste me rappelle « La cantatrice chauve » de Ionesco,  avec ce jeu de l’absurde. Franchement, j’étais bluffé

Sa personnalité était importante, la personnalité de la fille qui venait dialoguer avec moi. Il ne fallait pas que cela soit quelqu’un d’un peu mièvre. Une personne un peu trop douce. Il fallait qu’elle ait un peu d’autorité. On s’est tout de suite dit qu’elle serait la personne idéale. Et finalement elle a accepté

C’est ton « Dieu fumeur de havanes » à toi…rires

Elle a vraiment donné une sorte de crédibilité à cette chanson. Ce qui n’était pas forcément évident avec n’importe qui.

11 titres, 11 singles ?

Je ne sais pas s’il y en a onze, mais il y en a un certain nombre. Mais, moi c’est comme ça que j’aime que sonnent les albums. Qu’on découvre les chansons et qu’on puisse s’attacher à l’une et puis après à l’autre. Que cela soit bien équilibré, que cela soit un vrai moment.

Pourquoi tout simplement l’intituler « Alain Chamfort » ?

Ca vient de PIAS. A chaque fois on se pose la question quand on vient de terminer un album, quel titre va t’on lui donner ? Généralement, on essaye de trouver une chanson de l’album qui puisse l’incarner. Et dans les titres de chansons, le seul qui était énigmatique et un peu fort c’était « On meurt ! ».On s’était dit qu‘on allait baptiser me disque « On meurt ! ». IIs n’ont pas du tout apprécié et on n’a pas été long aussi changer d’avis. On a aussi songé à « Puis je vous offrir ?», ce qui n’était pas mal pour un album. mais ils étaient assez arrêtés sur « Alain Chamfort »

Tu n’as jamais eu d’album intitulé ainsi ?

A part le tout premier qui était sorti sur les disques Flèche…

Bon, au moins là on ne risque pas de confondre !

(rires) Oui, tu as raison ! »

5758-alain-chamfort-pochette-nouvel-album-sortie-13-avril-2015

(Voir la chronique de l’album « Alain Chamfort »https://gonzomusic.fr/alain-chamfort-alain-chamfort.html )

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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