DAVID CROSBY : « Lighthouse »
C’est seulement son 5éme projet solo en plus de 45 ans d’aventures musicales. Pourtant, on peut considérer que David Van Cortlandt Crosby n’a pas vraiment perdu son temps. Avec les Byrds, puis avec Stills, Nash et avec ou sans Young, depuis le milieu des 60’s sa voix angélique et ses mélodies à fleur de peau ont toujours su nous transporter dans un univers aussi harmonieux que pacifique. « Lighthouse », n’échappe pas à la règle. Mieux, ce nouvel album sans basse ni batterie est encore plus dépouillé qu’à l’accoutumée. Portées par la voix, souvent démultipliée du chanteur de LA, et une simple guitare acoustique, ces neuf compositions touchantes sont aussi lumineuses que le rayon de ce phare qui offre son titre à cet album.
C’est l’œuvre d’un tout jeune homme de…75 printemps. « Lighthouse », enregistré à LA dans le studio perso de Jackson Browne à Santa Monica, Groove Masters, s’est construit dans la simplicité et le minimalisme de la voix et d’une simple guitare acoustique. Epaulé par Michael League des Snarky Puppy, un ensemble jazz-pop instrumental du Village, ce nouvel album de Crosby peut être considéré comme un parfait retour aux sources. Avec comme seul axiome : small is beautiful. Dés le premier titre, l’amoureux « Things We Do For Love » dédié à sa compagne Jan, Crosby retrouve la puissante veine harmonique de son légendaire « If I Could Only Remember My Name ». La voix démultipliée de l’ex-Byrds en chœurs virtuels, se révèle juste imparable et la guitare aussi légère que dans une chanson de Simon and Garfunkel. De même, « The Us Below » a toute la beauté, mais aussi la fragilité des ailes d’un papillon, une transparence lumineuse sonique à la coolitude illimitée. « Drive Out to the Desert », sans doute mon titre favori de l’album, sonne comme un retour aux sources limpides de « Almost Cut My Hair », un désert aussi magique que celui où poussent les arbres-cactus du Joshua Tree National Park, qu’on ne trouve nulle part ailleurs à la surface de notre planète.
Comme Turner et sa maitrise de la lumière
Les compositions de David Crosby ne se contentent pas de nous sensibiliser à la beauté qui nous entoure, elles savent aussi évoquer la laideur du monde comme la détresse des réfugiés syriens avec « Look In Their Eyes », où les séquences de voix successives conjuguées ont un côté Beach Boys zen, qui nous touche droit au plexus solaire. De même avec « Someboy Other Than You », Crosby, le militant pacificiste, fustige avec autant de délicatesse que de fermeté, les politiciens cyniques qui envoient les enfants des autres se faire tuer sur des terrains de guerre antipodes comme le Moyen-Orient. Parfois, Crosby nous fait aussi songer au merveilleux peintre Turner et à sa maitrise extraordinaire de la lumière sur un morceau comme « Paint You A Picture », un petit bijou de tendresse. Enfin, la mélancolique « By the Light of Common Days » clôt cet album aussi émotionnel que dépouillé, comme le crépuscule annonciateur de la tombée de la nuit. « Lighthouse » justifie alors pleinement son titre, comme cette lueur qui perce les ténèbres pour nous guider et nous éviter de nous abimer sur les récifs de l’existence. La dernière fois que j’ai croisé David Crosby, c’était au Wiltern Theater de Los Angeles en 1993: 23 ans plus tard, décidément, rien ne semble devoir entamer sa talentueuse nonchalance.