NEW ORDER « Substance »
Voici 30 ans dans BEST, GBD chroniquait la toute première et remarquable compilation de New Order, un double CD intitulé « Substance » où les mancuniens nous offraient l’intégralité de leur production de 12 inches, ces fameux maxis 45 tours regroupant à la fois les faces « A » comme les faces « B ». Trois décennies plus tard, en réécoutant ces « tracks » imparables, on prend toute la mesure de l’impact de New Order sur la musique électronique actuelle aux côtés de leurs collègues Depeche Mode et des Allemands de Kraftwerk. Flashback intense….
Lorsqu’au tournant des années 80, moins de six mois après la tragédie qui l’a frappé, New Order est édifié sur les cendres de Joy Division. Barney Sumner, Stephen Morris et Peter Hook décident de faire front, intégrant la claviers Gilian Gilbert, la girl-friend de Stephen Morris, le batteur qui s’affirme également en tant que chanteur, pour inventer le nouveau son de Manchester. Toujours signés sur leur label historique Factory Records, New Order publie « Movement » son premier LP en novembre 81 et fait le pari gagnant de la scène des clubs new-yorkais avec « Temptation », mais il faudra attendre « Blue Monday » sur leur second album « Power, Corruption & Lies » et surtout Confusion » remixées par Arthur Baker, le producteur d’Afrika Bambaataa pour gagner un sucés de masse aux USA. Publié après le 4éme disque de New Order « Brotherhood », « Substance » incarne l’âge d’or de la formation de Manchester. 30 ans après leur sortie, les 12 titres imparables du plus bel « album blanc » depuis celui des Beatles n’ont pas pris la moindre ride.( Dans le numéro 227 de BEST, j’avais déjà publié mon entretien télévisé de New Order dans leur studio et j’ai re-publié ce reportage dans votre Gonzomusic https://gonzomusic.fr/new-order-le-groupe-souterrain-le-plus-lumineux-du-monde.html )
Publié dans le numéro 231 de BEST
Éternel comme les neiges de l’été, plus sincère que le blanc des yeux, aérien et immaculé comme le double blanc des Beatles, j’ai puisé dans la « Substance » de New Order toute la pêche pour électriser ma rentrée. Double album de douze titres, dont deux inédits, «Substance» a la fascination percutante d’une compilation aux antipodes des tristement usuelles collections rock and roll. Généralement les « Best Of… » sont pathétiquement prévisibles, colliers de perles usées enfilées à la va-vite que l’on parcourt d’une oreille mélancolique avant de les classer. Mais Barney Sumner, Stephen Morris, Peter Hook et Gillian Gilbert sont d’une tout autre flamme. New Order ne se contente pas d’être le groupe alternatif le plus célèbre du monde, leur sincérité trempée comme l’acier traverse toutes les épreuves. Comme le «mélange », l’épice des épices permet aux voyageurs de «Dune» de parcourir la galaxie, la « Substance » de New Order nous entraîne de l’aube des 80’s à notre quotidien. La plupart des titres de ce double blanc ne figurent sur aucun album. New Order nous a habitués à balancer des maxis inédits au fil de ses besoins d’expression en cassant l’implacable logique commerciale. Mais les quatre de Manchester vont encore plus loin en re-mixant ou en ré-enregistrant carrément certains morceaux comme le fulgurant « Temptation » ou « Confusion » leur hit adrénaline des nuits de New York city. Techno-romantique, New Order impose l’harmonie pour mieux la laisser s’envoler sur les ailes de la liberté.
L’émotion propulsée à son paroxysme,c’est bien la voix de Barney glissant doucement sur les lignes de synthés de Gillian, la basse incisive de Peter et le cœur électronique pulsé par les drum-kits de Steve. « Perfect Kiss » émotif comme un sanglot, « Shellshock » incommensurable et ce « Bizarre Love Triangle » aux violons fantômes qui ne cessent de me hanter. « Chaque fois que je te vois pleurer/je me mets à genoux/et je prie… », androïde vocoder et Barney, « Bizarre Love Triangle » est un vertige de feeling, un paradoxe de rires et de larmes. Quant à l’inédit «True Faith », il laisse un arrière goût salé/sucré de paradis inaccessible. « True Faith », littéralement la vraie foi, quatre minutes d’un bonheur insoutenable, est sans doute le plus beau titre ever des quatre de Manchester. Comme le soleil crève la brume pour nous caresser, « True Faith » saura vous irradier de tout son spleen lumineux.
Publié dans le numéro 231 de BEST daté d’octobre 1987