Le chevaleresque Philippe Lerichomme enfin fait chevalier
C’était hier soir, au ministère de la Culture, un homme de l’ombre a enfin fugitivement accepté de rentrer dans la lumière. Philippe Lerichomme, le producteur historique de Gainsbourg depuis le mythique « L’homme à la tête de chou » , de Jane Birkin depuis quasi toujours a été distingué par la ministre Audrey Azoulay qui a épinglé à son revers une magnifique médaille de Chevalier des Arts et des Lettres en présence de Jane, bien sûr, mais également des deux sisters de Serge, sa jumelle Liliane et son ainée Jaqueline. Une décoration largement méritée tant la carrière de Serge et de Jane aura été impactée par l’imagination, le talent et l’art du trop discret Philippe Lerichomme.
J’attendais une petite génuflexion et j’imaginais Audrey Azoulay , l’épée au poing frappant délicatement de son plat la tête et les épaules de ce nouveau preux chevalier. Mais dans notre royauté républicaine, on se contente d’une symbolique accolade. Il n’empêche que Philippe Lerichomme, dont le patronyme rime incontestablement avec gentilhomme, mérite largement cette décoration, même s’il n’a de cesse de s’en défendre…au point de trainer des mois avant de signer les papiers pour l’accepter. Discret, élégant, mais surtout débordant d’esprit, dès qu’il s’agit de porter ses artistes au plus haut. Serge en Jamaïque avec les musiciens de Marley c’était lui. Serge chez Southside Johnny and the Ashbury Jukes sur la cote Est des USA c’était encore lui. Et au moment où Gainsbourg s’est fait la malle, Philippe avait déjà booké la crème des musiciens de la Nouvelle Orléans pour une autre aventure discographique qui n’a hélas pas eu lieu. En studio ou sur la route, Philippe a toujours su mettre l’imagination au pouvoir. Sa dernière idée, c’est de faire enregistrer des chansons de Serge chantées par Jane, accompagnée d’un orchestre symphonique de plus de 60 musiciens. L’album sort dans quinze jours. Sous les ors de la République, derrière son pupitre, Philippe Lerichomme a su également nous émouvoir par son discours d’acceptation face à sa famille, à ses amis et à quelques éminents représentants de la profession comme Dominique Blanc-Francard et son alter ego Bénédicte Schmitt et bien d’autres.
Le fumeur de Gitanes
« Je tiens tout d’abord à remercier André Chapelle (mari et producteur de Nana Mouskouri) qui le premier m’a dit : » tu pourrais devenir un bon producteur ». J’ai dit oui, car j’en rêvais, je l’ai fait et cela a changé ma vie. Il y a quelqu’un d’autre que je tiens à remercier, quelqu’un qui était toujours là dans les moments un peu compliqués, toujours de bons conseils, toujours présent. Il répondait toujours présent, c’est Gérard Davoust. Merci Gérard. Je voudrais remercier tous mes amis, tous ceux qui sont venus, qui ont eu la gentillesse de venir, qui me font l’honneur d’être là ce soir ; merci à tous ces amis. Merci également à tous les amis des « Visiteurs du soir » Olivier Gluzman and co…toute cette équipe qui travaille surtout avec Jane et qui est indispensable. J’en viens à ma famille, qui s’est agrandie ces dernières années ; des couples avec les enfants, les petits enfants qui sont là, ça c’est une merveille et je voudrais remercier ma famille qui a fait pour certains de nombreux kilomètres pour être là ce soir, comme mon frère Donc merci beaucoup. Je voudrais ajouter quelque chose : ce métier de producteur est un métier où il faut être totalement disponible, physiquement et moralement. Et pour être disponible quand on a une famille, il faut imaginer que chez soi tout se passe bien. Et chez moi tout se passait bien. Et si cela se passait bien c’est grâce à mon épouse Claude qui est là ce soir…elle était à la maison tandis que je parcourais le monde de palace en palace. Elle s’occupait des enfants et c’était bien pour moi, je pouvais travailler avec Serge ou avec Jane ou avec d’autres. Donc merci Claude. Merci à mes enfants aussi qui ont supporté ma présence quelques fois en pointillés et ma mauvaise humeur quelques fois en traits continus…merci à eux. Merci, Tiphaine et merci Quentin. Maintenant je voudrais saluer, de façon militaire celui qui est là haut…(sanglot dans la voix) le fumeur de Gitanes…(qq secondes de silence) je voudrais vous dire que ce n’est pas l’artiste qui me manque le plus, non pas l’artiste, c’est l’homme. (re sanglot dans la voix). C’est l’homme, c’est son rire, c’est sa délicatesse et cela en surprendra sans doute certains d’entre vous , c’est sa gentillesse. Serge était un homme gentil vraiment gentil. Merci Serge….(applaus) Je vais finir par celle sans qui je ne serais pas là ce soir. Je ris, car ce sont des paroles que Jane prononce à la fin de chacun de ses concerts à mon propos. Jane. Jane merci de toutes ces émotions, toutes ces bouffées d’émotion que tu nous donnes à moi, au public, à l’équipe qui t’entoure, ces bouffées d’émotion lorsque tu avances sur scène comme un funambule, cramponné à ton micro, comme le funambule est cramponné à son balancier. Merci Jane de nous donner toutes ces émotions. Merci d’aller chercher ces notes là où personne n’irait les chercher, des notes qui nous émeuvent au plus haut point. Mais surtout, je voudrais dire l’admiration que j’ai pour la femme que tu es (sanglot) celle qui, dans les moments les plus difficiles, les moments les plus durs, et même insoutenables, dans ces moments-là, tu continues à t’intéresser aux autres et ça, c’est merveilleux. Jane c’est la grâce, la fragilité, la force et le don de soi. Merci Jane. »
Jane l’a ensuite rejoint à la tribune pour improviser un émouvant petit discours. Je suis à peu près certain que Serge, qui nous regardait de là où il est, nous a fait un clin d’oeil.