ZAZOU BIKAYE “Guilty”
Voici 30 ans dans BEST, GBD se laissait porter par l’intense fusion world-funk- électro du sémillant duo franco-zaïrois Zazou Bikaye. Troisième LP, sans doute le plus abouti de la collaboration entre les deux artistes basés à Paris, toujours sur le label belge Crammed Discs, « Guilty » est largement boosté par les joyeux barrissements du saxe si exercé de Philippe de la Croix Herpin, dit Pinpin et ex-cuivre du mythique Marquis de Sade. 14 ans après le décès d’Hector Zazou, de son vrai nom Pierre Job qui nous a quittés en 2006, à l’écoute de ce 33 tours l’émotion si visionnaire demeure toujours intacte.
Jon Hassell, Ryuichi Sakamoto, Brian Eno, Peter Gabriel, John Cale, David Sylvian, Bill Rieflin, Peter Buck, Lisa Gerrard, Laurie Anderson, Björk, Suzanne Vega, Lisa Germano, Siouxsie, Jane Birkin, Dominique Dalcan, Manu Dibango, Khaled, Asia Argento, Gérard Depardieu, la liste des collaborations de l’iconoclaste Hector Zazou au fil des ans se révèle tout simplement éblouissant. Cependant c’est avec ce troisième volet de sa collaboration avec Bony Bikaye, il touche au sommet de son art, la preuve par leur interprétation incroyable du « It’s a Man’s Man’s World », « Guilty » trente ans après sa sortie n’a pas pris la moindre ride, le privilège de certains chefs-d’œuvre peut être ?
Publié dans le numéro 252 de BEST
Au tournant des années 80, le choc de la première vague africaine percute I’hexagone, et peu à peu les culs blancs s’abandonnent aux rythmes noirs. Les Talking Heads jouent le cocktail Manhattan-Afrique et Prince invente le funk-rock à Minneapolis, tandis qu’à Paris un petit couple noir et blanc a déjà la même démarche. Bony Bikaye était le bassiste de Ray Lema au Zaïre. Avec le français Hector Zazou il forme un duo nitro et glycériné où l’Afrique percute la beauté glacée d’un électro-funk givré par quelque cold wave synthétique. Farouchement indépendant, le duo a toujours su refuser la tangente du tube facile. Zazou/Bikaye reste fidèle au micro-label Crammed et ne sort qu’un album tous les trois ans. Bricolos allumés du bidouillage studio, ils fonctionnent en francs-tireurs à la manière des Suisses de Yello. Mais cette fois, les intellos de l’afro-beat de l’ère post-atomique nous offrent la plus dansante rétrospective des diverses fusions des 80’s. « Guilty », qui donne son titre à I’album, annonce la couleur d’une implacable tentation funk sur les traces de Prince. Beaucoup s’y sont essayés et cassé les dents, mais Zazou/Bikaye font un carton. Leur musique a non seulement toute l’émotion, toute l’énergie nécessaire, mais surtout une production vertigineuse leur offre un son a la mesure de leurs aspirations princières. Virages vers l’Afrique ou clin d’œil aux Talking Heads, somptueux cover du «It’s A Man’s Man’s World » de James Brown, mister Z et mister B font une musique qui donne envie de voir la vie en noir et blanc. Avec la complicité du guitariste Papet Chaze et de l’éternel génial allumé du cuivre Philippe Herpin dit Pinpin ils signent un LP qui sait danser tout en sachant rire. Et si Rogers Nelson écoute le délicieux et minnéapolitain « My Shoes », je crois bien qu’il en rira aussi. Si les Zazou/Bikaye sont coupables c’est avec l’intention de propager volontairement la fièvre funk. « Guilty » est si grave du groove qu’on a du mal à se convaincre qu’il s’agit d’une histoire belge née aux studios Daylight à Bruxelles, une fois.
Publié dans le numéro 252 de BEST daté de juillet 1989