LIONEL RICHIE LE COMMODORES SOLITAIRE
Voici 30 ans, dans BEST, GBD rencontrait enfin l’un des héros de son adolescence dont la blackitude agitée avait su porter au plus haut le funk des champions de l’écurie Motown, les Commodores ! Désormais solo, Lionel Richie publie en 82 son LP éponyme, puis son « Can’t Slow Down » un an plus tard. Mais il faudra attendre son 3éme 33 tours, « Dancing On the Ceiling », pour voir le moustachu de Tuskegee, Alabama se lancer dans sa première grande tournée européenne. Première rencontre ( avant d’autres) dans un palace londonien…et flash-back !
Si Lionel Richie est toujours en activité de nos jours, après tout il n’a que 68 ans cette année, c’est quasiment désormais sa fille people Nicole Richie qui lui volerait presque la vedette. Car, à l’exception de son tout dernier CD « Tuskegee », publié voici déjà 5 ans, où il revisitait sur un mode country et en ardents duos ( avec Willie Nelson, Shania Twain, Kenny Rogers ses compositions les plus emblématiques, Jimmy Buffett etc…) depuis les années 2000 ses albums sont quelque peu décevants. Qu’importe, voici 30 ans, Richie était au sommet et nous faisait tous nous accrocher aux lustres, tandis qu’il dansait au plafond à l’instar d’un Fred Astaire ébène.
Publié dans le BEST 226 sous le titre :
RICHIE & BROTHER
Le monde est funk, il nous soûle l’âme et dans le peloton de tête des stars noires il suffit de savoir compter sur les doigts d’une seule main. D’abord il y a daddy James Brown, puis le Kid de Minneapolis, Prince de la fusion, Michael le planqué d’Encino et son zoo, Stevie et son pouvoir émotif extra-sensoriel et enfin Lionel le moustachu du funk mousse au chocolat. My Richie is rich et l’on connaît déjà par cœur ses mélodies sirupeuses comme « Hello», « Say You Say Me » ou le « We Are The World » qu’il a co-écrit justement avec le p’tit Jackson. Pourtant, Richie superstar des 80’s n’existerait pas sans la pêche ravageuse de son groupe de jadis. Il était une fois les Commodores… C’est sur le campus de Tuskegee, en Alabama, paradoxalement un des états les plus racistes de l’Union, que démarre au début des 70’s la saga des Commodores. Très vite alpagués par Motown, Richie, son groupe et son piano assurent l’ouverture des concerts des Jackson 5. « Machine Gun », un parfait instrumental rock/funk déchiré, sera le premier tube de cette formation alors inconnue. C’est à cette époque que l’Amérique découvre la nouvelle génération des « super-groupes» blacks: Kool and the Gang, Earth, Wind and Fire et les Commodores, justement. Parfait équilibre d’énergie soul et de mélodies pop, le groupe tourne aux USA comme une formule 1 dans les Grands-Prix. En 77, en plein cœur de l’explosion punk européenne, à l’écoute des FM black de Los Angeles, on ne pouvait que craquer sur « Easy », intro au piano et la voix de Richie entre velours et satin crevant le smog de la Cité des Anges. Cette année là, à Paris, les Commodores débarquent pour la première fois et investissent le pavillon de Pantin, dans une parfaite indifférence. Quelques mois auparavant, George Clinton et son Funkadelic s’étaient déjà produits dans une salle quasiment vide. Peu importe, le gig des Commodores est aussi magique que leurs hits et jamais je n’oublierai l’image de Richie face à son piano blanc hisse sur une scène hydraulique qui s’élevait doucement de manière vertigineuse si haut au dessus du public. Show parfaitement réglé et balancé, les Commodores restent à ce jour mon meilleur souvenir de gig funk. En 81, Richie s’offre le duo « Endless Love» avec Diana Ross et il écrit et produit «Lady» pour Kenny Rogers. Les Commodores veulent tourner, Richie passe tout son temps en studio : la rupture est bientôt consommée. « Lionel Richie » son premier album solo sort en 82, suivi par «Can’t Slow Down » et ses tubes – « All Night Long», «Penny Lover»,n« Running With The Night », «Hello»- et enfin le petit dernier « Dancing On The Ceiling ».
GEMEAUX
Lionel Richie, mégastar de l’Amérique, semblait se balancer de l’Europe. On ne l’avait vu sur une scène depuis dix ans et ce printemps… Dans un palace de Mayfair, juste avant d’attaquer son euro-tour à Birmingham, le moustachu a accepté le jeu de ping et de pong de l’interview, en exclusivité pour BEST :
« C’est long dix années sans Richie !
Et comment. Mais ces derniers temps, ma vie a complètement été centrée sur Los Angeles, Californie. Mes trois LPs, « We Are The World », mes compositions pour les Jeux Olympiques…
Lorsque tu as quitté les Commodores, tu n’es pas vraiment parti seul n’est-ce pas ?
C’est vrai. En 13 ans de musique, j’ai toujours eu la chance d’avoir à mes côtés un gentleman, James Anthony Carmichael. Depuis le tout premier LP des Commodores, nous ne nous sommes jamais quittés. James est un type unique, mais il est aussi timide que son talent de producer est vaste, surtout en matière d’arrangements et les siens sont somptueux.
Comment vous partagez-vous le travail de production ?
Je suis incapable de me produire seul tout en restant objectif et James me connaît à fond.
James est-il un second Lionel Richiedans l’ombre ?
Dans le boulot, il est surtout mon psychanalyste. Il m’évite de dériver inutilement. Par exemple, lorsque je me concentre sur le second couplet de « Hello », j’ai déjà oublié comment sonne le reste de l’album et cela James le sait pour moi. Je suis Gémeaux et lorsque je me réveille le matin, je ne sais jamais quel Lionel Richie je suis. Lorsque je compose, tout peut arriver. Je suis constamment en bataille avec ce second moi, celui qui doute, celui qui habite aussi ma création. Dis-moi: est-ce que j’ai l’air d’un malade ?
Oui sans doute ! (rire) L’image de Lionel Richie, c’est le type cool, calme, gentil. Tu ne t’excites jamais ?
Et comment, je suis une vraie boule de nerf, rongé par l’inquiétude. Et en ce qui concerne mon image de «nice guy», c’est vrai que je suis romantique, mais par-dessus tout je crois que j’aime la vie et les gens. Si je ne les AIMAIS pas, je ne pourrais pas faire les chansons que je fais.
C’est aussi ton côté «We Are The World ».
Pour moi c’est carrément pathétique qu’il faille réunir 45 rock stars pour rendre la famine à la mode. Devrons-nous réunir une autre brochette de stars pour leur dire que cette bombe qu’ils fabriquent va tous nous faire sauter ? Dans cette société, ils ne nous laissent pas le choix, voilà pourquoi nous avons fait « We Are The World ».
Si tu devais faire un Top 5 de tes chansons, que contiendrait-il ?
«All Night Long », « Easy», « Endless Love », « Lady » et « We Are The World ».
Tu écoutes encore des titres comme «Machine Gun » ?
Pas ces dernières années… (sourire) …mais c’est normal. Lorsque j’ai fini une chanson, je cesse de l’écouter pour vivre complètement la suivante. J’ai toujours ce besoin d’avancer, d’évoluer. Maintenant que « Dancing On The Ceiling » est sorti, ce qui m’excite c’est le suivant, car moi je sais déjà à quoi il va ressembler! Chez moi, à LA, j’ai des piles de bandes, des montagnes de chansons inédites, c’est mon vivier. Je vais te donner un exemple. Une chanson comme « Hello» a été écrite en 81, à l’époque de mon premier album. Mais je l’ai gardée pour le second. J’avais conservé cinq inédits du premier, « Lionel Richie », trois à l’époque « Can’t Slow Down ». « Lady », que j’ai donné à Kenny Rogers aurait dû être sur un album des Commodores, mais je l’ai escamotée au dernier moment. Je ne parle pas des textes, car ils sont toujours écrits la veille de l’enregistrement, dans le feu de l’action. Sinon, j’aurais l’impression d’utiliser de vieilles chansons.
Pourquoi ne pas en faire des faces B de 45 tours ?
Surtout pas! On ne sait jamais. Pour moi, chacune de ces chansons est une face A potentielle, je n’écris jamais de chansons au rabais.
Parlons vidéos; celle de « Dancing On The Ceiling » est carrément réalisée par Stanley Donen. Tu songeais déjà à lui en écrivant cette chanson ?
Stanley… non. ll était chargé de réaliserr la soirée des Oscars. Il est venu me voir en studio pour me parler de ma performance de « Say You Say Me » pour le film « White Nights » et j’enregistrais justement cette chanson « Dancing On The Ceiling ». lI m’a dit alors : « C’est très drôle, car j’ai vraiment réalisé une scène pour le film « Royal Wedding » où l’on voit Fred Astaire danser au plafond. » Quelques jours plus tard, au cours de la nuit des Oscars, il s’est approché pour me glisser à l’oreille: «Je vais te faire un clip pour ta chanson! » On ne refuse pas une telle offre. Grâce à Stanley, je me suis pris pour Fred Astaire l’espace de quelques minutes, c’était magique de bosser avec lui.
Lionel Richie a-t-il le sens de l’humour ?
En tous cas, j’essaye de le conserver. L’humour c’est mon garde-fou, ce qui m’empêche de sombrer parfois dans la folie. Avec tout ce côté hyper straight qui m’entoure, sans humour j’aurais l’impression d’étouffer. De même, les gens me disent «Ah, vos chansons d’amour l… »; elles sont sérieuses, mais jusqu’à un certain point. ll ne faut jamais oublier le côté jeu de l’amour, le fun.
Lorsque tu te lèves le matin, parfois devant ta glace te payes-tu la tête de Lionel Richie ?
Pas le choix, je ne peux pas faire autrement. Si je me regarde dans le miroir en disant: « Hé toi, espèce de sex symbol », j’éclate de rire, c’est évident. Même si je ris jaune, je rigole quand même… L’an passé, la tournée américaine décollait de Phoenix en Arizona. Au cours de la dernière répète, le piano s’élève doucement sur sa plateforme. Mais soudain, catastrophe, il glisse et s’écrase aux pieds de la scène. Et tac, 24 000 dollars par la fenêtre! Tout le monde s’arrache les cheveux et je leur dis : « Hé heureusement que je n’étais pas dessus. » Bien sûr, dès que je suis remonté dans ma chambre, j’ai pleuré seul mon piano.
Lionel Richie est-il un adepte de la protection rapprochée pour cause de parano ?
J’aime sortir seul et je le fais le plus souvent possible. Je préfère rester discret, car je hais les gardes du corps et tout ce cinéma. Si je veux faire du shopping en plein jour à Westwood Village (NDR: le Quartier Latin de LA, à coté de UCLA), j’appelle plutôt un copain et je lui propose de m’accompagner.
Quel est ton message à la planète ?
L’homme est la seule et unique créature vivante à n’avoir pas compris comment vivre en harmonie avec le reste de l’univers. Le seul mot que je puisse promouvoir c’est le mot amour. »
« Endless Love», « Sweet Love », « Jesus is Love », « My Love », « Penny Lover», « Love Will Find a Way », « Love Will Conquer All » l’amour, c’est vrai est omniprésent dans les chansons de Richie. Mais ce tendre sait aussi être violent. Si ses mélodies s’égarent parfois dans le luxe des arrangements, c’est pour jouer à fond la séduction. Si Lionel Richie aime le sucre, il est loin d’être mou comme une génoise au chocolat. Moustachu tête à claques, sans doute, mais sa musique est comme une baie vitrée traversée par un soleil chaud et régénérant. Qui voudrait dans ces conditions tirer le store vénitien ?