ALMOST FAMOUS AVEC BRYAN ADAMS
Voici 42 ans dans BEST GBD se faisait son premier trip à la « Almost Famous » en accompagnant un jeune Bryan Adams, qui gravissait alors au sprint, les sentiers de la gloire dans une tumultueuse tournée des grands stades du Texas, pourchassé par des essaims de groupies, dans la foulée de son « Cuts Like a Knife » à succès. It was only rock and roll… mais qu’est-ce que l’on pouvait aimer ça. Flashback….
Certes ce n’est qu’en 2000 que la réalisateur Cameron Crowe a tourné son « Almost Famous », mais en 1983 en accompagnant le dynamique Bryan Adams à travers le volet texan de sa tournée « Cuts Like a Knife », le jeune reporter de BEST que j’étais se retrouvait sans doute pour la première fois aux côtés d’un jeune artiste qui devait candidement affronter un maëlstrom de jeunes jolies et entreprenantes groupies. A 24 ans, le chanteur Canadien voyait sa carrière décoller de manière stratosphérique grâce à son hit « Straight From the Heart ». Malgrè les apparences c’était bien Journey, la formation de Steve Perry qui tenait le haut de l’affiche, mais dans les gradins j’avoue n’avoir jamais vu un groupe d’ouverture jouer aussi longtemps près d’une heure et décrocher des rappels. J’avoue qu’en relisant mon texte de l’époque je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir une immense vague nostalgique. Quant à Bryan, après ces shows il poursuivra une brillante carrière rock capturant plus de seize albums, mais aussi signant les pochettes de disques de quelques confrères célèbres dont Annie Lennox et Amy Winehouse… mais c’est encore une autre histoire du rock !
Publié dans le numéro 182 de BEST sous le titre :
AUTOGRAPHES
« Bryan Adams, connaissez… z’allez peut-être pas tarder. Aux States, en tout cas, ce jeune rocker canadien attire les assauts d’essaims de fans résolus. Ainsi au Texas, dans l’univers impitoyable de la première partie d’un show qu’il n’est pas loin de voler… » Christian LEBRUN
AUSTIN, MARDI MATIN, 5 JUILLET :
L’avion transperce la couche des nuages. J’écrase ma clope dans le cendrier de l’accoudoir avant l’atterrissage. Cent mètres plus bas, une jungle d’antennes télés pousse sur des stone roofs mitraillés par la pluie. Le DC 8 se pose brutalement et aquaplane sous la douche. Ralentira, ralentira pas… Southwest Airlines, faites donc un effort… please ! Le Texas héroïque a bien changé, sans John Wayne on ne respecte plus rien : à Austin, la pluie brave ouvertement les saisons et le rock and roll. Le rock s’en balance ; grâce à Dallas » et au boom texan, chaque ville possède désormais son auditorium couvert de 15.000 places et plus, Bryan Adams jouera donc les pieds au sec. Bryan qui ? Adams… A-D-A-M-S un rockeur-canadien de vingt-trois ans, un grimpeur de charts. Trois albums déjà à son palmarès, dont le dernier « Cuts Like a Knife » matraqué par MTV, et par conséquent, Bryan attaque son septième mois de tournée.
AUSTIN, MARDI MIDI, 5 JUILLET :
Sueurs froides, dans la limo air conditionnée, je découvre que Bryan Adams ouvre en fait un concert de Journey. Au Hyatt, je scrute la bande FM sur le radio réveil : chambre confortable, terrasse rivée et vue sur le Town Lake, vive le confort des palaces en chaines. Je me laisse doucement abrutir par les images de la télé, en attendant l’heure du concert.
AUSTIN, MARDI SOIR, 5 JUILLET :
Au Special Event Center, les kids se pressent en troupeaux vers les entrées du stade. Munis de leurs billets ils foncent direct à la consommation de pop corns, hot-dogs, cocas, badges, T shirts et autres gadgets promos. Ils peuvent même au passage, s’ils le souhaitent, adhérer au fan club de Journey pour ânonner encore un peu plus. Heureusement, Bryan Adams promet d’être bien plus excitant que ces dinosaures Au guichet une caissière me remet une enveloppe qui porte mon nom et mon passe pour la soirée, so let’s rock. 8pm pile. Bryan Adams et son groupe investissent la scène. Jean, T-shirt blanc et quelques foulards autour des chevilles, Bryan est un petit prince bondissant. Un rocker blond qui dégage des étincelles, une batterie surchargée. Manifestement Bryan maîtrise parfaitement sa scène. Son micro-émetteur en main, il saute sur les retours d’amplis, tandis que son poing levé déchire le halo des projos. Analogiquement, il me rappelle Rod Stewart. Oh, pas le sexy gras d’aujourd’hui, mais le fringuant Rod the Mod qui savait encore avoir faim. D’ailleurs, Bryan connait bien la hargne, il flirte avec elle, c’est un réacteur qui l’entraîne plus vite que le son de sa guitare. Au fil des titres, Bryan va capter le public de Journey. En quarante minutes de show, il décroche même un rappel sans problème et pour une première partie, c’est plutôt rare. L’arène s’illumine, il est temps de rencontrer notre Canadien. Graeme, le tour manager m’entraîne backstage dans le dédale des couloirs blancs jusqu’au vestiaire. Bryan descend son demi-litre de Perrier d’une seule traite. En me serrant la main, il demande : « J’espère que tu n’es pas trop impressionné ? » Par le show ou la rencontre ? Plus tard en regagnant ma chambre d’hôtel, je trouve un mot glissé sous la porte : rendez-vous pour le brunch demain, signé BA.
AUSTIN, MERCREDI MATIN, 6 JUILLET
Coffee-shop du Hyatt, Bryan est un hôte partait. Il me commande un petit dej canadien à base de bacon C’est délicieux. Plantes vertes et fontaines intérieures. le décor parfait pour un premier entretien :
« Bryan, tu es né à Vancouver, sur la côte-ouest du Canada ; quels sont tes premiers souvenirs musicaux ?
Les premiers simples des Beatles, Creedence Clearwater Revival, les Who_ Mes goûts étaient déjà un cross-over entre les Anglais el les Américains. C’est d’ailleurs un peu ce que j’essaie de recréer dans ma musique, le meilleur des deux mondes. Si je suis né a Vancouver, je n’y vis vraiment que depuis huit ans. Mon père travaillait pour le gouvernement et toute la famille l’a suivi au fil de ses affectations au Portugal. en Angleterre, en Autriche en Israël.
Un espion ?
Ouais, Bond… James Bond. Non, il travaillait juste pour l’ambassade, il était attaché.
Quel genre d’attaché ?
Case… Il était attaché-case… car il se contentait de tamponner des visas a longueur de journées. Voilà pourquoi j’ai vécu des annees en Europe où j’étais systématiquement viré des collèges anglais et américains où j’efais inscrit. J’étais déjà un gamin agité, à l’esprit de contradiction hypertrophié: tu disais blanc, moi c’était noir !
Blanc !
Noir… Tu vois, je n’ai pas vraiment changé. Si j’ai foncé sur le rock, c’est par contradiction car mon père était militaire, obsédé pat l’Establishment, lorsque moi je ne voulais rien de tout cela. Stop it ! J’ai laissé pousser mes cheveux et j’ai choisi ma musique ».
Bryan est interrompu par Julie, une serveuse qui chasse l’autographe. Bryan en signe des paquets chaque jour ; en diffusant ses clips, MTV a propagé son image. Succès ? Il ne peut plus faire un pas dans la rue sans qu’une minette lui mette un stylo dans les pattes.
AUSTIN, MERCREDI MIDI, 6 JUILLET :
Ciel gris, chaleur étouffante. Face à l’hôtel, le Greyhound argenté du Bryan Adams Band attend les musiciens. Destination San Antonio à 100 miles au sud. Je jette mon sac dans un coin et m’installe sur un fauteuil lace à la vidéo. Jeux électroniques, bar, hifi, salon, chambires : on est loin des combis VW des petits groupes français. Bryan enclenche une VHS dans la machine et les premières images du clip « Cuts Like a Knife » colorent l’écran PAL. Filmés par l’Anglais Steven. Baron (Limefight) les pop promos de Bryan lui donnent une incontestable image de rocker. Blousons de cuir et guitare électrique, l’accent est mis sur la pèche Bryan ressemble à son image, son expression favorite n’est elle pas : « You Gotta wanna (you have got to want to) ». Bryan me pique une Camel, tire une bouffée et l’écrase aussitôt.
« Raconte-moi un peu tes débuts ?
J’ai commencé comme tout le monde, avec des garage bands ; mais j’ai laissé tomber à 16 ans, car la majorité de ces groupes ne font que des reprises. Moi le voulais créer mes propres chansons. Je commençais à bosser comme choriste de studio, lorsque j’ai rencontré Jim Vallance qui signait déjà des titres pour Prism. Je lui ai lancé : « Alors, quand allons-nous bosser toi et moi ? ». Le lendemain on s’est retrouvé pour écrire notre première chanson. C’était en 78, aujourd’hui nous composons ensemble la plupart des titres.
Vous écrivez aussi pour les autres ?
Oui pour BTO, Prism, Bob Welch, Randy Meisner, Kiss, Bonnie Tyler, grâce à ces reprises, les portes des maisons de disques ont commencé à s’ouvrir, mais c’était assez difficile. On nous disait :
« Quel age as-tu kid ?
Heu…17 ans.
T’as un groupe ?
Non.
T’as un manager ?
Non.
Petit mec, sans groupe ni manager tu n’as pas une chance.
Mais j’ai un tas de bons titres !
Pffufff… aucune importance. Dans ce bizness, les gens ont du mal à ouvrir leurs oreilles. »
Les portes ont continué à claquer jusqu’au deal avec A& M. Pour leur prouver que je pouvais réussir, j’ai signé mon contrat pour un dollar d’avance symbolique et c’est moi qui l’ai exigé. Ça m’a pris du temps, de l’énergie aussi mais je ne manquais pas de chance : les flammes qui me dévoraient les tripes refusaient de s’éteindre. You gotta wanna ! »
Et le plat pays du Texas défile derrière les vitres du Greyhound dans un nuage de poussières.
SAN ANTONIO, MERCREDI APRES MIDI, 6 JUILLET :
Remember the Alamo ? Mission mexicaine plantée au milieu des grattes-ciel, Alamo est un peu décevant. Bryan m’offre un tour de San Antonio. Deux groupies nous accostent et nous nous retrouvons bientôt avec elles à la terrasse d’un troquet au bord de la rivière. Des grappes de touristes jouent à Dysneyland, le soleil gonflé au Bloody Mary pète le feu, ivres d’alcool et de rock, les deux minettes bombardent Bryan de questions. Je profite d’une accalmie pour poser les miennes :
« Tu écris, composes joues, chantes et co-produits les disques , es-tu un homme-orchestre ?
C’ est important, à mon sens, de conserver un certain contrôle sur la musique Pour la production, j’adore travailler avec Bob Clearmountain, car à nous deux nous formons une super équipe. De même, si je bosse avec Jim, c’est exactement pour les mêmes raisons.
J’ai lu dans un canard que lu co-signais certaines chansons avec ton avocat ?
Oui c’est vrai pour « Straight From the Heart », par exemple, sur le dernier album (reprise par Bonnie Tyler). Je l’ai écrite en 79 parce qu’un jour mon avocat m’a téléphoné. Dès qu’une idée lui passait par la tête, il avait pris l’habitude de me téléphoner : allo, j’ai un titre super pour toi, que penses-tu de « Broken Cookies » ? Je lui dit que c’était à chier, La semaine suivante, il a rappelé: J’ai trouvé un nouveau titre et tu vas adorer : que penses-tu de « Straight From the Heart »? Super !,,, J’ai posé le récepteur téléphonique et j’ai écrit le texte dans la foulée juste basé sur l’idée du titre. Quatre ans plus tard, je l’ai ressortie pour l’enregistrer.
Donc ton avocat n’a trouvé que le titre et pourtant vous partagez les royalties ?
C’est normal. je ne base pas ma vie sur la mesquinerie. Si quelqu’un m’inspire suffisamment pour une chanson, je lui en donne les crédits, normal !
Tu travailles ainsi avec Jim Vallance ?
Avec Jim, la collaboration est encore plus étroite. On se retrouve chez moi sur les hauteurs de Vancouver. Lui bosse avec sa basse, moi j’ai un micro et une guitare et on balance des idées dans le désordre. En général, en moins d’une heure on finit par trouver quelque chose. Si ça ne vient pas, on va bouffer un morceau, puis on s’y remet en buvant du cognac et c’est radical.
Pourquoi Jim ne fait-il pas tout simplement partie du groupe ?
Simplement parce qu’il déteste des tournées et la scène, en général. Jim a la belle vie, il reste à la maison avec sa petite amie française tandis que nous nous batons au corps à corps dans les tranchées du rock. Mais la formule fonctionne assez bien ; lorsque nous nous retrouvons après un mois ou deux de tournées, nous avons chacun des choses à raconter parce que nous avons vécu des expériences différentes.
JACKPOT
Les deux groupies blondes nous emboîtent le pas jusqu’à The Arena où Bryan doit assurer son sound-check. En moins de cent mètres, juste avant de franchir les barrières de sécu autour de la stage-door, Bryan a le temps de signer une douzaine d’autographes. Journey n’a toujours pas fini sa balance et en attendant. Bryan s’offre une interview pour la chaîne locale KTTV Questions habituelles : nouvel album, tournée etc. Bryan brise la routine de l’entretien en hurlant soudain mon nom face aux caméras : « Chers téléspectateurs, je veux vous présenter un copain journaliste français… » Coincé ! J’interviewe donc Bryan Adams pour KTTV concluant d’un : « Aujourd’hui San Antonio, demain l’Europe! » Tous les San Antoniens sont donc invités à assister à la tournée européenne du Bryan Adams Band. Pendant ce temps Journey achève enfin ses derniers réglages sono. Bryan me les présente ; tout ce que je trouve à leur dire c’est « Heu… hope you had a nice journey ? No comment, J’aime mieux écouter Adams et ses teeny pop rocks, love songs love stories, les chansons de Bryan vantent le flirt éternel, l’amour juvénile. La grande force de Bryan Adams c’est la fraicheur.
SAN ANTONIO, MERCREDI SOIR. 6 JUILLET :
Loge ou salle de perm ? Keith Scott, le rhythm guitar, Dave Taylor le bassiste lancent un pétard au claviers Johnny Blitz affairé dans les chiottes Explosion, rires : Blitz s’échappe en courant de la pièce enfumée. Seul Frank La Rocka conserve son calme Frank en a vu d’autres, il était le batteur attitré de David Johansen jusqu’au dernier album, et se saoulait avec Johnny Thunders et tous les allumés de Manhattan. Les groupes, les genres, les styles. La Rocka connait son rock sur le bout des doigts. 7 h 05 pile, Graeme déboule dans la pièce : « Prêts ? Vous avez cinq minutes les gars ». The Arena achève de se remplir de kids surexcités. Un service d’ordre et une armada d’ouvreurs dirigent chacun à sa place numérotée : face a tant de discipline, on croit rêver. À ce moment, l’ingénieur du son stoppe sa sono, une clameur s’élève. San Antonio Arena est plongée dans les ténèbres. Dans la loge. Bryan et ses musiciens font le serment des trois mousquetaires ( Phrase prémonitoire de la carrière de Bryan Adams lorsqu’on sait que dix ans plus tard aux cotés de Rod Stewart et de Sting ils vocalisera le fameux « All For Love » de la BO du film « Les trois mousquetaires » avec Kiefer Sutherland et Charlie Sheen : NDR) et let’s go, pour le rock show. La voix éraillée de Bryan palpite dans les HP. Scéniquement, il me fait de plus en plus songer à Peler Wolf, à ces héros du rock and roll dont les photos nourrissent nos livres d’images. « Good evening San Antonio, en quelques titres, Bryan Adams expédie des milliers d’ados au fond de sa poche. Sur les quarante-cinq minutes du gig, un exploit pour une première partie, on retrouve la plupart des titres de « Cuts Like a Knife », le dernier album. Avec « Take me back », une ballade rock agressive, Adams parvient a faire chanter n’importe quoi à son public,,il leur lance : et lorsque je me suis éveillé, elle était partie. Comment appelez-vous cela ? Builshit », Et les kids répètent leur leçon : Bullshit ! Démultiplié par quelques dizaines de milliers de voix, ça vous fait vibrer une salle. « Take Me Back » s’achève par un « fuck ! » retentissant. Si Reagan était là, la jaunisse le terrasserait. Bryan Adams, son micro baladeur en main, se jette dans la foule ; il grimpe sur la sono pour s’agripper à la balustrade du premier balcon. Il disparaît alors dans le public tout en continuant de chanter. Déchiré par les kids, il perd un T-shirt mais gagne sa bataille: Bryan Adams ce soir, décroche encore un rappel qui sonne comme jackpot.
JOURNEY
SAN ANTONIO, MERCREDI NUIT, 6 JUILLET
Cognac Rémy Martin dans le greyhound air conditionné, je délire joyeusement avec Bryan Adams:
« Soyons sérieux, n’est pas question de taire monter sur scène avec nous une centaine de bunny girls ; non, vaut mieux choisir des vaches. En tant que colonie britannique nous autres Canadiens sommes assez proches du rosebeef : vive le rock-cuisine et le public peut apporter sa propre vianda Mais n’exagérons pas le côté saignant de notre vie ; tu sais ce qu’il advient de tous ces groupes qui abusent aveuglément de la viande J’ai entendu parler de la nouvelle cuisine et je crois que je vais me laisser influencer par le rock d’œuvre ou au gratin. Si je puis me permettre de donner un conseil aux nouveaux groupes : c’est de foncer à la cuisine pour trouver la véritable texture de la musique, un menu simple et équilibré. »
A l’extérieur, le bus croule sous les Diane-chasseresses d’autographes ; Brunes, blondes, rousses, quel tas de viande. Mais Graeme-tour-manager est intraitable : pas de femmes à bord. Le bus quitte donc San Antonio destination Dallas. Sur le bitume, quelques jeunes filles en rade le regardent s’éloigner. Dommage, elles avaient déjà fait leurs valises
DALLAS, JEUDI MIDI, 7 JUILLET :
Petit déj’ au Hyatt Regency, dans un décor hollywoodien de fontaines et de sculptures mobiles. Je suis fasciné par les ascenseurs SF qui montent sous mes yeux dans des tubes de verres. Je cherche JR machinalement sans pouvoir le localiser. Dans le lobby, les kids font déjà le siège pour coincer Bryan ou Journey Good luck !
DALLAS, JEUDI SOIR, 7 JUILLET

The Reunion Arena, est sans doute la plus belle salie de rock du monde, tant elle ressemble étrangement à Beaubourg. Structure de verre et d’acier, elle renvoie le soleil du Texas comme un miroir. Les portes ne s’ouvriront que dans deux heures, mais les kids ont déjà entamé leur siège, A l’intérieur Journey patauge dans son sound-check. Ils trainent si lamentablement qu’Adams n’aura pas le temps de régler sa sono. Plus tard, à la fin du concert de Journey, Bryan s’offre un duo avec Steve Perry. L’hôtel est à cent mètres de là mais les légions de teenagers rendent impossible la traversée à pieds. Je m’engouffre avec Bryan dans une limousine et nous forçons le barrage. Le chauffeur, un gros texan frustré de western, se fout pas mal de la ligne jaune. Il fonce pleins phares jusqu’au Hyatt. Pour un autographe de plus. Bryan se fait encore courser par une fille jusqu’à l’ascenseur. On prend un pot dans sa chambre en attendant que l’orage se dissipe:
« Tu as vu l’énorme machinerie de Journey avec vidéo sur scène et un light show sophistique qui font plus pour le big que la musique. Nous, nous sommes des sous-chiens, nous n’avons que le rock à leur offrir. Je ne suis pas un schmutzer, un lèche-savate de public. Lorsqu’ils m’observent je sais exactement ce qui leur passe par la tête ils se disent « c’est fou, ce type a exactement le même age que moi » Plus tard, au bar de l’hôtel on descend quelques piñacoladas en parlant de l’Europe. Bryan est un peu inquiet, il craint la distance. Sa tournée programmée pour la rentrée passe par la France: comment réagiront-ils là-bas? Je le rassure en lui expliquant que le rock est un langage commun, le beat est universel. Bob Seger, Foreigner ou J. Geils Band n’ont-ils pas réussi leur traversée de l’Atlantique ? Alors ourquoi pas Bryan Adams.
DALLAS, VENDREDI MATIN, 8 JUILLET:
Graeme règle les chambres des musiciens, les roadies chargent le bus. La route est longue jusqu’à Kansas City, la prochaine étape. Bryan Adams préfère partager l’avion de Journey Une autre date, une autre salle… une autre ville : la tournée ne s’arrête jamais. Un signe de la main, à bientôt. Bryan disparait dans une limousine noire qui fonce vers l’aéroport ! It’s only rock and roll !
Publié dans le numéro 182 de BEST daté de septembre 1983
